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Le PDG du Groupe Coris, de retour de la TICAD VI : «Il faut que les gouvernants africains fassent confiance à leur secteur privé»
Publié le vendredi 16 septembre 2016  |  Sidwaya
Idrissa
© Autre presse par DR
Idrissa Nassa, fondateur du groupe bancaire Coris Bank.




Le Président-directeur-général (P.D.G) du Groupe Coris, Idrissa Nassa, a pris part, les 28 et 29 août 2016, à Nairobi au Kenya, à la 6e Conférence internationale de Tokyo pour le développement de l’Afrique (TICAD). Au cours de cette rencontre entre l’Afrique et le Japon, a eu lieu pour la première fois, un sommet entre les secteurs privés japonais et africains, et la trentaine de chef d’Etat du continent présents dans la capitale kenyane. A l’occasion, le Burkinabè Idrissa Nassa a eu à prononcer un discours au nom du secteur privé africain. Dans cette interview, il dresse le bilan de la TICAD VI, décline le rôle des pouvoirs publics et le type de partenariat que devrait nouer les secteurs privés japonais et africains, pour un développement réel de l’Afrique.

Sidwaya (S.) : Comment jugez-vous l’initiative des TICAD ?


Idrissa Nassa (I.N.) : La TICAD est une très belle initiative que devrait savoir saisir les pays africains, notamment le secteur privé africain. Car l’Afrique est aujourd’hui dans une dynamique de développement et elle a besoin d'une nouvelle dynamique de partenariat. Nous avons une tradition de relations avec l’Occident et il est nécessaire aujourd’hui de diversifier nos sources d'inspirations en matière de modèles de développements. Le modèle japonais constitue un bon cas d'école très enrichissant pour l'Afrique quand on se réfère à la situation de ce pays à la sortie de la guerre, et ce qu'il est devenu après seulement quelques décennies. On peut dire sans se tromper que l'espoir est permis pour notre continent, pour peu que les bonnes décisions soient prises aux bons moments, avec engagement et de façon organisée.
Je suggère que la TICAD puisse consacrer une partie de l'aide destinée aux pays africains pour soutenir le secteur privé africain et encourager les hommes d'affaires japonais à sceller des alliances stratégiques avec leurs homologues africains dans les domaines de la technologie, des services et de la production industrielle.


S. : Vous avez participé à la TICAD VI à Nairobi, les 28 et 29 août 2016 où vous avez eu à vous exprimer au nom du secteur privé africain. Quel bilan faîtes-vous de votre participation à cette conférence entre l’Afrique et le Japon ?


I.N. : C'était une belle expérience de pouvoir m'adresser à l'ensemble des chefs d'Etat et de gouvernements ainsi qu’au Premier ministre japonais et à sa délégation. Nous avons été invité par la présidence de la commission de l'Union Africaine en tant qu'investisseur représentant le secteur privé africain.
Aux chefs d’Etat, j’ai présenté le rôle-moteur et la contribution du secteur privé au développement de notre continent et partant, la nécessité pour les dirigeants d’œuvrer à son développement en lui accordant plus d'espace de considération. Ainsi, j'ai invité nos chefs d'Etat à s’inspirer du capitalisme nippon qui a été initié par un Etat visionnaire et stratège mais, porté par un secteur privé soutenu et protégé qui représente aujourd'hui un des socles de l'économie mondiale. Aussi, j’ai exprimé la disponibilité des acteurs du secteur privé à jouer leur partition dans cette décennie très favorable à l'Afrique, pour peu que les Etats leur fassent confiance et leur offrent un environnement propice, débarrassé des guerres et autres calamités qui naissent des querelles politiques.
En somme, il est important donc que les acteurs politiques et le secteur privé africain s’inspirent du secteur privé japonais, qui continue de jouer un grand rôle dans ce qui est devenu le Japon d’après-guerre.


S. : Lors de cette TICAD VI, il y a eu pour la première fois, une rencontre entre les secteurs privés africains et japonais d’un côté et les pouvoirs publics représentés par les chefs d’Etat. Comment avez-vous accueilli cette initiative ?


I.N. : Les secteurs privés africains et japonais, ont très bien apprécié cette rencontre. Mais nous avons déploré le fait que de nombreux opérateurs économiques privés africains, surtout de la zone francophone, n’aient pas participé à la rencontre. Le Japon était représenté par une forte délégation de son secteur privé qui a présenté les différentes facettes de l’industrie japonaise, sa production et leur volonté de travailler avec le secteur privé africain. La rencontre a été une très belle initiative et elle doit être renouvelée. Je suggèrerais aux chefs d’Etat africains d’encourager les hommes d’affaires à plus de participation à la prochaine édition de la TICAD.


S. : De quoi souffre aujourd’hui le secteur privé africain?


I.N. : Les statistiques révèlent que le secteur privé africain contribue pour environ 70 % de la production et des investissements et pour 90 % des emplois générés sur le continent. Cependant, le privé reste embryonnaire en Afrique. En effet, le secteur privé africain souffre de la qualité de l'environnement des affaires dans nos différents pays, du manque de soutien réel des pouvoirs publics, des difficultés d'accès aux financements, de l’absence d’infrastructures sur le continent, du retard technologique, de l'étroitesse des marchés, de la qualité du capital humain, etc.


S. : Combien d’hommes d’affaires burkinabè ont participé à la conférence de Nairobi?


I.N. : Nous étions trois Burkinabè à cette rencontre.


S. : Etes-vous du même avis que le Premier ministre japonais lorsqu’il dit que l’Afrique pourra développer une croissance de qualité, si les entreprises japonaises et africaines prennent des engagements communs ?


I.N. : Je partage ce point de vue. Nous, secteur privé africain, nous avons notre vision. Nous souhaitons que les entreprises japonaises viennent travailler en Afrique, en partenariat avec les acteurs du secteur privé afin que nous puissions ensemble construire des entreprises solides. Mais nous ne souhaitons pas que ces partenaires viennent installer des entreprises japonaises en Afrique sans les Africains.


S. : Que faut-il concrètement comme type de partenariat, entre privés japonais et privés africains ?


I.N. : Je vois la création de sociétés par participation de part et d’autres et dans tous les domaines de la production de biens ou de services. Le privé africain connaît bien l’environnement africain et le privé japonais dispose de la technologie et du savoir-faire. La combinaison de ces facteurs de production dans une entreprise pourrait être une source de dynamisme et de qualité.


S. : Lors de votre intervention pendant la rencontre, vous avez évoqué la nécessité d’instaurer des actions conjointes Afrique-Japon afin de favoriser l’implication du secteur privé dans le développement de l’Afrique. De quelles actions conjointes parlez-vous ?

I.N. : Nombreuses sont les actions qui peuvent être formalisées entre les deux entités. Je note que le fait de favoriser le contact entre acteurs du secteur privé, africain et japonais, est une bonne initiative et un bon départ. L’intégration du secteur privé dans leur schéma de coopération avec le Japon par les gouvernants africains devient une nécessité. Dans le cadre de la mise en œuvre de la TICAD, il est indispensable que les ressources financières que le Japon entend mettre à la disposition de l’Afrique, soient en partie affectées au secteur privé pour permettre le partenariat entre les deux secteurs privés.
Les secteurs privés japonais et africains doivent concevoir ensemble, des projets en fonction des priorités de l’Afrique et celles-ci sont bien connues par les acteurs du secteur privé africain. Ensemble nous créerons des entreprises qui pourront révolutionner le quotidien et la vie des populations africaines.


S. : A la tribune à Nairobi, vous avez aussi affirmé que le secteur privé africain est prêt à participer au développement de l’Afrique. Est-ce réellement le cas ?


I.N. : Le secteur privé africain est plus que prêt. Il est prêt et a besoin du soutien des Etats. Les acteurs du secteur privé ont une maturité leur permettant de traiter avec tout autre acteur du monde des affaires. Seulement, il faut que les gouvernants africains fassent confiance à leur secteur privé et mettent en place les mécanismes qui produiront un tissu d’opérateurs privés solides, garants du développement des économies nationales. Lorsque vous prenez le cas du Japon, le secteur privé reste le principal moteur de la création de richesses et de la compétitivité du pays. Ce secteur privé a bénéficié de la confiance des différents gouvernements nippons qui se sont succédé, pour se développer. L’Etat ne peut à lui seul faire le bonheur de nos populations, il a nécessairement besoin du secteur privé national averti des questions prioritaires en matière de développement et de besoins des populations.


S. : Qu’en est-il de la question de la sécurité dans les pays africains ?


I.N. : La sécurité est indispensable pour le bon déroulement du processus de développement de nos différents pays. Il n’y a pas un environnement sain pour les affaires là où il y a de l’insécurité.


S. : Des chefs d’Etat comme le nôtre ont prôné une plus grande ouverture des marchés japonais aux produits africains. Etes-vous de cet avis ?


I.N. : Absolument ! Aujourd’hui il est difficile pour les pays africains de vendre leurs produits au Japon. Le marché japonais n’est pas assez ouvert aux produits africains. Toute l’Afrique reste un marché pour les produits japonais. Dans tous les pays africains, l’on trouve des véhicules de marque Toyota, des produits Sony, etc. Cependant, il est difficile pour un Burkinabè d’aller vendre du Dafani au Japon. L’accès à leur marché est très complexe. Le Président du Faso, Roch Marc Christian Kaboré a souhaité que le marché japonais soit ouvert aux entreprises africaines et à la production africaine. C’est un élément essentiel de la collaboration ou du partenariat.


S. : Est-ce que les Africains sont en mesure de proposer des produits de qualité pouvant être acceptés au Japon ?


I.N. : La production des produits de qualité dépend de la technologie. C’est pour toutes ces raisons que nous prônons les alliances stratégiques afin de permettre le transfert de technologies pour qu'ensemble nous réglions définitivement les problèmes de qualité de nos produits.
Dans tous les cas, il n’y a pas si longtemps, les articles japonais étaient considérés comme étant de mauvaise qualité au Burkina Faso. Quand une personne qualifiait un produit de « Janpon», cela signifiait sa mauvaise qualité. On ne peut avoir des produits de bonne qualité du jour au lendemain. Il faut aller vers des technologies meilleures et pour ce faire, nous avons besoin de l’accompagnement du Japon mais aussi de tous les amis de notre continent.


S. : L’instabilité du privé africain est une triste réalité dans de nombreux pays. Des entreprises sont créées mais disparaissent après quelques années de fonctionnement. Que proposez-vous concrètement pour remédier à cela?


I.N. : Il est important que des structures d'encadrement se mettent en place dans tous les pays et soient outillées pour accompagner et guider les promoteurs pour une bonne orientation de leur projet. On ne se lance pas dans la création d'une entreprise parce qu'on a échoué ailleurs ou parce qu'on a vu quelqu'un réussir. Il faut plutôt avoir une fibre entrepreneuriale, se former et s'informer sur le secteur d'activité à promouvoir et avoir une vision de développement de son affaire sur le long terme.


S. : Malgré tout, vous avez eu à dire à Nairobi que l’heure de l’Afrique a sonné. Vous croyez à ce que vous dites ?


I.N. : Nous sommes très optimistes. Aujourd’hui, en matière de croissance sur toute l’étendue de la planète, la zone à forte potentielle de croissance, c’est l’Afrique. C’est pour cela que j’ai dit que le temps de l’Afrique a sonné. C’est aussi le temps du secteur privé. Nous devons savoir saisir cette opportunité de croissance économique pour développer les entreprises africaines, de sorte à les positionner et à les rendre compétitives face aux autres continents.


S. : Quels genres de partenariat le PDG du Groupe Coris a pu nouer avec les entreprises lors de son séjour à Nairobi ?


I.N. : J’ai été approché, après mon intervention, par des représentants de plusieurs pays du continent et ceux-ci ont souhaité nous accueillir chez eux afin de dupliquer l’expérience acquise dans la zone UEMOA. J’ai été sollicité par des chefs d’Etat, des ministres, m’invitant chez eux pour examiner leurs préoccupations en termes de financements. Les pays africains ont presque les mêmes problèmes en termes de financement de Petites et Moyennes Entreprises (PME). Les solutions ne semblent pas évidentes avec les banques classiques qui sont encore dans des considérations de risque-pays. Ces autorités ont donc souhaité voir se déployer notre modèle dans leur pays.
J’ai surtout rencontré de nombreux Japonais, œuvrant aussi dans le secteur des banques et des nouvelles technologies. Nous avons établi des contacts et nous allons poursuivre les échanges pour des partenariats concrets.


S. : Quelles sont les perspectives de votre groupe, après votre participation à la TICAD VI ?


I.N. : Nous voulons poursuivre notre développement, servir notre clientèle, travailler à favoriser leur accès aux financements. Nous voulons soutenir les projets des Africains, pour qu’ensemble nous construisions dans la décennie à venir, une Afrique prospère , stable et solidaire.
Aujourd’hui nous avons une forte contribution à l’accès au financement dans tous les pays où nous sommes installés. Cela va se poursuivre et se renforcer. Nous continuerons de renforcer notre présence à travers des ouvertures d’agences dans tous les pays où nous sommes : Côte d’Ivoire, Mali, Togo, Sénégal, Bénin. Nous essayerons de toujours rapprocher nos services des PME mais aussi, des grandes entreprises.


S. : Les milieux d'affaires voient en vous, le futur président de la Chambre de commerce du Burkina, qu'en est-il exactement ?


I.N. : Je ne me porterai pas candidat pour la présidence de la Chambre de commerce, et cela est un choix personnel dont je souhaite qu'il soit instructif pour la corporation des affaires. On ne devrait pas se battre pour rechercher les honneurs de président de la Chambre de commerce, mais plutôt apporter son honneur à la Chambre.
L'honorabilité et la sociabilité en affaires s'acquiert au quotidien par la qualité de gestion de son entreprise et ses relations avec les autres. Je remercie tous ceux qui ne cessent de me manifester individuellement ou collectivement leur souhait de me voir à la présidence de la Chambre. Cette marque de confiance et de considération renforce mon engagement pour l'émergence d'un secteur privé fort, solidaire et dynamique, contribuant avec efficacité à la construction d'une nation forte.


Interview réalisée par
Sié Simplice HIEN
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Sidwaya N° 7229 du 8/8/2012

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