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Insalubrité urbaine: Ouahigouya une ville-poubelle
Publié le jeudi 8 septembre 2016  |  Sidwaya
Marché
© Autre presse par DR
Marché de bétail de la Patte d’Oie. A gauche, le bétail est en vente et à droite, l’insalubrité est gratuite




Circuler dans certains quartiers de Ouahigouya, capitale de la région du Nord, n'est pas toujours chose aisée. Des tas d'immondices par-ci, des eaux sales dégoulinant des toilettes par-là, le tout dégageant une odeur des plus fétides, indisposent. Les maires qui se sont succédé à la tête de la commune ont affronté cet adversaire de taille qu'est l'insalubrité, mais le combat semble loin d'être gagné.

Tout au long du canal, des amas d'ordures de tout genre trônent dans une indifférence totale des riverains préoccupés par leurs activités commerciales. Au milieu de ces immondices, des bacs à ordures presque vides sont entreposés. Un charretier, l'air insouciant, déverse ses ordures à proximité d'un des bacs. En bordure du même canal, des bambins se plaisent à déféquer à l'air libre.
Les tuyaux des douches de nombre d’habitants des environs, communiquent avec ce conduit censé assurer l'évacuation des eaux pluviales. Nous sommes au secteur n°6 de Ouahigouya, la capitale du septentrion burkinabè. Cette mixture de saletés arrosée par les fréquentes pluies de ce mois d'août 2016 répand un air infect à l'odorat. Mais, apparemment, personne ne s'en émeut. Dans le quartier voisin, au secteur n°7, le constat est ahurissant. Là, le manque de caniveaux et de bacs à ordures n'est guère le plus grand problème. Il y a pire. A l'image d'une ferme d'élevage, les ruelles sont jonchées de déjections d'animaux et d'eaux usées dégoulinant des toilettes. Difficile d'y circuler ou d'accéder aux concessions sans s'éclabousser avec les eaux stagnantes de couleur noirâtre. Pour les piétons, il faut alors sautiller sur la pointe des pieds. Devant ou à l'intérieur des habitats, on élève qui des bœufs, qui des moutons, qui des caprins ou encore des ânes. Les enclos des animaux et leurs fèces, les monticules des excreta humains et autres déchets ménagers se disputent l'espace avec les hommes. Les mouches et les moustiques y ont aussi élu domicile. A certains endroits, des troupeaux entiers de bœufs sont constatés et leur déplacement suscite parfois un blocage total des allées ou "six-mètres". Au secteur n°9, le spectacle est quasi-identique. La loi de l'insalubrité est implacable. L'eau du canal ruisselle à peine du fait de la présence des déchets solides et des herbes par endroits. Dans d'autres quartiers, le moindre espace vert est vite saisi par les riverains comme une aubaine pour y jeter les ordures. Les écoles, les lycées et les cimetières sont des lieux par excellence pour créer des dépotoirs d'ordures. Au secteur n°13, une décharge publique côtoie les concessions. Toutes sortes d'ordures y sont jetées. De la puanteur à vous couper le souffle s'y dégage. Le cimetière municipal, situé à quelques encablures de là, n'échappe pas non plus à la furie des saletés. Une poubelle "sauvage" trône allègrement à sa devanture. Le même constat est fait au portail de la cour royale et dans bien d'autres endroits. Les quelques caniveaux existants, même débouchés par les services techniques de la mairie, se remplissent aussitôt. Les révélations du directeur de ces services, Sékou Zerbo, sont stupéfiantes. A ce qu'il dit, c'est en moyenne 31,5 tonnes d'ordures que la ville génère par jour, soit 11497,5 tonnes par an.
«La médaille d’or de la saleté»

L'ancien bourgmestre, Gilbert Noël Ouédraogo, avait taxé Ouahigouya de "ville -poubelle". «On n'est pas loin de ça», acquiesce l'actuel maire, Basile Boureima Ouédraogo. «Si vous visitez certains quartiers, vous serez découragé. Il s'agit des secteurs n°5, 6, 7, 8 et 9. Cinq des quinze secteurs ont la médaille d'or de la saleté», révèle-t-il. La propreté de la ville, il la qualifie de «problème très sérieux» à inscrire parmi «les préoccupations les plus urgentes». Son premier acte avant même son installation officielle a été l'organisation des journées de salubrité, tenues les 23 et 24 juillet 2016, en vue de donner un coup de balai à la ville. A peine ces opérations finies, que l'édile se dit déçu. «Deux semaines après, quand j'ai fait le tour des lieux que nous avons nettoyés, ils étaient encore couverts d'ordures», déplore-t-il, sans pour autant être désespéré. A qui la faute? Les avis sont partagés. Pendant que certains accusent les ménages pour leur comportement incivique, d'autres pointent du doigt la mairie qui peine à créer des caniveaux et à offrir plus de bacs à ordures. «J'accuse la population. C'est l'incivisme qui est à l'origine des déchets et non la faute de la mairie», se défend Adama Raaga Ouédraogo, habitant au secteur n°6. Hamadé Ouédraogo du secteur n°5 est du même avis. Il fustige l'élevage en ville et propose même de sévir contre cette pratique. «Ouahigouya doit être géreé par un maire qui ne cherche pas à être réélu car il doit taper», clame-t-il. Lassané Savadogo du même secteur, lui, soutient que le problème de l'insalubrité incombe à tous. Par contre, il invite la mairie à revoir sa copie en recrutant ceux qui veulent réellement travailler. «Actuellement, la mairie recrute qui elle veut pour le nettoyage, si bien que beaucoup ne foutent rien», regrette M. Savadogo. Il souligne également l'insuffisance des caniveaux dans la ville. Plaidant pour la cause de son secteur, le n°7, Moustapha Ouédraogo souhaite ne serait-ce qu'un seul bac à ordures dans son quartier. Pour l'instant, huit bacs à ordures correspondant à huit points de collecte sont disponibles, mais entreposés seulement dans la zone commerciale, selon Sékou Zerbo. Ce qui est insignifiant aux yeux des populations. «Un bon bac à ordures coûte environ 600 000 FCFA», précise le maire avant de relever que sa commune est gênée aux entournures. L'incivisme fiscal, pour lui, est la raison de ces soucis financiers. Par rapport au manque de caniveaux, l'édile estime que cela dépasse les compétences de la mairie. «C'est un problème général du Burkina. La plupart des terrains ont été lotis sans être viabilisés», rappelle-t-il. Toutefois, Basile Boureima Ouédraogo dit ne pas baisser les bras.

La problématique des vieux quartiers

L'assainissement des anciens quartiers semble être un casse-tête pour les responsables de la commune. Pour eux, il faut que les gens changent de comportement. Car, disent-ils, l'élevage ne doit pas être pratiqué en ville. «Nous les sensibilisons parfois aux méfaits de leur pratique, mais ils ne sont pas réceptifs», avoue, impuissant Sékou Zerbo. Et le bourgmestre de renchérir : «Il faut qu'on soit clair, les hommes ne peuvent pas vivre avec les animaux». Moustapha Ouédraogo est du même avis, même s’il se montre prudent. Il craint surtout d'éventuelles représailles de voisins au cas où ceux-ci seront interpellés sur leur activité d'élevage. Pendant ce temps, la promiscuité s'installe et prend des proportions inquiétantes. On préfère plutôt se résigner. Beaucoup estiment que l'élevage constitue une tradition chez eux. El hadj Souleymane Raogo Ouédraogo, habitant le secteur n°7, dit reconnaître l'importance de la salubrité mais demande la clémence du maire. Ce septuagénaire possède des animaux dans sa cour qui constituent sa principale source de revenus. La fumure organique issue de son activité est soit vendue, soit utilisée pour le maraîchage et la fertilisation de ses champs. «Nous préférons le fumier à l'engrais chimique qui coûte extrêmement cher», fait-il savoir. Nombre d'éleveurs demandent aux responsables de la commune de leur trouver un endroit adapté pour leur activité. «On va trouver un espace hors de la ville pour cette pratique», répond le maire à cette doléance.
Dans le souci d'accompagner la commune dans son combat contre l'insalubrité, de bonnes volontés ont mis la main à la pâte en assurant la pré-collecte des ordures ménagères. Il s'agit, aux dires de Sékou Zerbo, de deux associations en l'occurrence Bang-n-Tum et Bayir-Nooma ainsi que des informels. Les personnes handicapées ont été les premières depuis 2001 à se jeter à l'eau. «Notre association a été la première à se lancer dans la pré-collecte des ordures sous le mandat du maire Issa Joseph Diallo», déclare le président de l'association Bang-n-Tum des personnes handicapées, Boukari Zango. Ils sont plus d'une quarantaine de travailleurs de cette structure qui veillent au quotidien sur la propreté du grand marché et les concessions de plus de 400 abonnés. Mais M. Zango reconnaît que la tâche est devenue ardue de nos jours du fait de l'accroissement rapide de la population qui a entraîné de facto une augmentation exponentielle des quantités d'ordures.

Outrages et railleries sur le terrain

Ce métier, confie-t-il, n’est pas très lucratif et ne suscite que des angoisses. Mieux, M. Zango parle de métier ingrat en relevant toutes les formes de vexation que ses agents subissent sur le terrain. «En notre présence, il y en a qui laissent les bacs et déversent les ordures par terre. Si nous parlons, ils répliquent par des injures. Ils vont même jusqu'à dire que c'est parce qu'ils salissent que nous avons du boulot pour nourrir nos familles», raconte-t-il. Comme autres difficultés, il a cité la détérioration précoce des barriques servant de poubelles ou leur vol, la mort des ânes, la contribution mensuelle des abonnés (1000 F CFA) jugée dérisoire, etc. Les mêmes difficultés sont vécues au niveau de l'association Bayir Nooma qui intervient dans la pré-collecte des ordures depuis 2003. De l'avis de sa vice-présidente, Zénabou Ouédraogo, les dures conditions de travail ont fait chuter le nombre des membres de l’association de 60 à 40. Consciente des risques encourus dans leur activité, Mme Ouédraogo plaide pour des visites médicales ou des prises en charge en cas de maladie. «Nous souhaitons une vaccination contre le tétanos», a-t-elle sollicité. Plus chanceuse, Bayir Nooma a pu nouer des relations de partenariat avec la mairie, ce qui n'est pas le cas pour Bang-n-Tum. Aux dires de Boukari Zango, les maires semblent ne pas être intéressés par leur doléance. «Nous avons poursuivi la mairie pendant quatre ans sans pouvoir obtenir ce partenariat. Pour cela, nous ne comptons plus trop sur elle mais son aide reste la bienvenue», se résigne-t-il. Ensemble, les pré-collecteurs demandent à la nouvelle équipe municipale un appui en matériel, des poubelles notamment, pour renforcer leurs actions.
Toutes les ordures collectées par les services de la mairie sont convoyées vers un dépotoir à ciel ouvert situé entre les secteurs n°2 et n°11. A défaut d'un centre de traitement et de valorisation des déchets, la mairie se contente, pour le moment, d'un site pas très éloigné des habitations . A en croire Sékou Zerbo, il s'agit d'une décharge autorisée mais pas aménagée. Une situation qui indique qu'en matière d'assainissement, Ouahigouya a encore du pain sur la planche.

- Mady KABRE
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Sidwaya N° 7229 du 8/8/2012

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