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Inondations du 1er septembre 2009 : sept ans après, les sinistrés entre déception et espoir
Publié le jeudi 1 septembre 2016  |  Le Pays
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© Autre presse par Salif Ouédraogo
Une grande quantité d`eau est tombée sur Ouagadougou suite à la pluie intervenue dans la nuit du 8 au 9 août 2016




La saison pluvieuse poursuit son petit bonhomme de chemin. Elle est marquée, de plus en plus, par de fortes pluies qui se succèdent jusqu’à ce jour, 1er septembre. Cette date rappelle le spectre d’une autre qui a négativement marqué les esprits des populations. Il s’agit du 1er septembre 2009, qui avait enregistré à Ouagadougou des inondations ayant causé plusieurs pertes en vies humaines et d’importants dégâts matériels. Des milliers de gens s’étaient retrouvés, suite à ce drame, démunis, sans abris ni logements. Plusieurs d’entre eux ont été relogés sur des sites aménagés dont celui de Yagma, situé à une dizaine de kilomètres au nord de la capitale. Près de 24271 ménages vivent en principe, selon les statistiques disponibles, sur ce lieu qui se révèle comme le plus grand site d’accueil et de relogement (900 hectares) des victimes du sinistre de septembre 2009. 7 ans après leur installation sur ce site, que sont devenus les « locataires sinistrés » ? Quelles sont leurs préoccupations actuelles ? Pour en savoir davantage, nous avons fait un tour sur place dans la soirée du mardi 30 août 2016. Constats et témoignages.

Des maisons d’habitation qui poussent comme des champignons. Des maquis, des buvettes, des restaurants, des kiosques et des boutiques en grand nombre. Voici le constat qui se dégage, en toile de fond, à notre arrivée sur le site du relogement des sinistrés de Yagma, le 30 août dernier aux
environs de 16 heures. Visiblement, les nombreuses tentes dressées et qui étaient perceptibles au moment où nous étions de passage en 2014, ont laissé place à des maisons qui ne pouvaient passer inaperçues. En revanche, « l’arbre ne doit pas cacher la forêt ». Toutes les constructions à usage d’habitation ne sauraient être logées à la même enseigne. Celle de Kouka Compaoré, notre première interlocutrice du jour, manque d’une bonne clôture. Conséquence : quand il pleut, elle a la peur au ventre car le toit qui supporte les tôles de son logement, n’est pas du tout solide. Qu’à cela ne tienne, la « vieille Kouka » comme on l’appelle affectueusement, ne cède pas, loin s’en faut, au découragement, ni à la fatalité. Malgré son âge (près de 80 ans), elle se bat pour joindre les deux bouts et subvenir à ses besoins. Son travail quotidien n’est autre que le ramassage du sable qu’elle revend à raison de 1 500 F CFA par charrette. C’est d’ailleurs dans cette activité que nous l’avons trouvée dans la soirée, balai en main. « 7 ans après notre relogement ici, nous sommes habitués à notre nouvelle vie. Nos préoccupations demeurent le manque d’alimentation. Mais comme nous sommes en bonne santé, nous remercions Dieu car comme on le dit, la santé avant tout », a confié Kouka Compaoré, le visage marqué par l’âge. Elle demande le soutien de personnes de bonne volonté pour améliorer les conditions de vie des locataires du site. Cette doléance est réitérée par Kappiou Batian, la voisine immédiate de la « vieille Kouka ». Cette dernière qui résidait dans le quartier Lanoiyiri avant les inondations, dit s’être adaptée
aux réalités de leur nouveau milieu de vie. « Nous nous sommes maintenant habitués à la vie sur le site. Mais le problème qui se pose, demeure celui de la voirie. Il est difficile pour nous d’accéder à la ville, faute de route et de bus de transport. A cause également du chômage, nos jeunes enfants ont fui pour aller en ville », a déploré Kappiou Batian. A l’instar de la « vieille Kouka », celle-ci doit son gagne-pain à l’activité de ramassage du sable. Cette activité n’est malheureusement plus, a-t-elle déploré, rentable comme auparavant. Que faire alors pour subvenir aux besoins de sa famille ? C’est la question que se pose justement le vieux Lassané Tondé, rencontré un peu plus loin dans notre randonnée. « Je n’ai plus la force pour travailler, si bien qu’il est difficile d’avoir de quoi se nourrir. Nous survivons grâce aux personnes de bonne volonté qui nous donnent de temps en temps 500 F ou 1000 F CFA. Quand j’étais à Lanoiyiri, je cultivais et mes récoltes étaient satisfaisantes. Mais depuis que je vis ici sur le site, si ce n’est pas une personne de bonne volonté qui me tend quelque chose, je ne peux rien avoir », nous a-t-il dit. En dépit de cette situation difficile, Lassané Tondé se frotte les mains. Pour cause : il a eu un logement construit et a même bénéficié d’un branchement de robinet où l’eau potable coule à flots. Mais ce n’est pas suffisant puisque pour payer la facture d’eau par mois, il doit compter encore sur la contribution de personnes de bonne volonté. De même, le paiement de la scolarité de son enfant le préoccupe. Pour sortir de cette situation peu reluisante, il souhaite que l’Etat développe des initiatives susceptibles de contribuer à résoudre le chômage des jeunes pour qu’ils assurent convenablement la relève. « Comme je t’avais dit en 2014 quand tu étais venu ici nous interviewer, les prisonniers qui sont à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO) valent mieux que nous les sinistrés relogés ici. Nous sommes emprisonnés. Il n’y a même pas de route pour nous permettre d’accéder facilement à la ville », a fustigé le vieux Tondé, visiblement remonté. Avant d’ajouter que les sinistrés relogés à Yagma ont été rangés aux oubliettes. « On est venu nous larguer ici sous prétexte qu’ils veulent nous faciliter la vie. Et pourtant, ce n’est pas le cas. On nous avait promis de l’électricité, de l’eau, mais sept ans après, il n’en est rien », a-t-il lâché, l’air triste. Son constat est partagé par le président des jeunes de la trame d’accueil de Yagma, Théophane Tassembédo. Ce dernier a lancé un cri du cœur pour que les promesses faites, en termes de fourniture d’électricité, d’eau potable et de sécurité, soient tenues. Il en est de même de la voie d’accès au site, qui nécessite une solution, ainsi que le manque de commissariat de police qui expose les habitants du site aux agressions et braquages. « Si à 19 heures, tu n’es pas encore rentré, la nuit, tu peux être victime d’agression sur la route », a affirmé Théophane Tassembédo. Toutefois, des efforts sont déployés pour améliorer les conditions de vie des populations vivant sur le site ont été matérialisés, a-t-il rappelé, par la construction d’un collège d’enseignement général, d’écoles primaires, d’un Centre de santé et de promotion sociale (CSPS), d’un centre de formation professionnelle pour les jeunes et d’une Maison des jeunes. A ces infrastructures qui donnent des motifs de satisfaction aux bénéficiaires, s’ajoutent les branchements d’eau effectués par l’ONEA ainsi que la réalisation de caniveaux pour favoriser le ruissellement des eaux de pluie réalisés par des ONG et qui contribuent à un meilleur assainissement du cadre de vie. « Quand il pleut, on n’a pas de problème d’eau », constate Théophane Tassembédo. A l’en croire, l’espoir est en train de renaître pour les anciens sinistrés relogés sur le site de Yagma, rebaptisé « site de Badnoogo » par le chef coutumier du village de Yagma. Afin de permettre justement aux habitants du site de se récréer et de se divertir, le président des jeunes a initié une activité dénommée « clubs des vacanciers ». Cette activité vise, a-t-il expliqué, à donner du baume au cœur des populations qui avaient perdu ce qu’ils avaient de plus cher à cause de la furie des eaux qui ont tout emporté sur leur passage. Elle est organisée sous forme de concours de danse, de chansons modernes et traditionnelles ainsi que des théâtres et des play back qui valorisent la culture burkinabè. A travers cette activité culturelle et bien d’autres qui contribuent à l’épanouissement socio-éducatif de la jeunesse, les victimes des inondations du 1er septembre 2009 tentent de reconquérir une nouvelle vie dans un autre milieu, où ils sont arrivés d’horizons divers. Elles semblent avoir plus ou moins réussi à s’adapter aux réalités de leur nouvel environnement. Grâce aux efforts de l’Etat et des partenaires, les sinistrés ont
retrouvé une lueur d’espoir mais restent confrontés à des difficultés : mauvais état de
route, chômage, insécurité, manque d’électricité, etc. Dans ce contexte, l’espoir de lendemains meilleurs côtoie au quotidien la déception, car à côté des grandes actions menées à leur profit, existent des obstacles à surmonter pour espérer voir le bout du tunnel. Malgré tout, les occupants du site de Badnoogo ne cèdent pas au découragement qui, du reste, « n’est pas burkinabè ». Plusieurs d’entre eux sont en train de « mouiller le maillot » et de se battre pour gagner leur vie à la sueur de leur front à travers des activités comme le petit commerce, la couture, la peinture, la restauration, etc. Ces femmes et hommes battants que nous avons vus à l’œuvre au moment de quitter les lieux juste avant le coucher du soleil, ne veulent pas être considérés et ils l’ont dit, comme des « mendiants larmoyants » qui désirent être assistés éternellement et qui attendent qu’une aide leur tombe du ciel. Ils veulent seulement qu’il soit créé à leur profit, des conditions idoines pour leur permettre de se réaliser.

Saïdou ZOROME (Collaborateur)
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