Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratiques    Le Burkina Faso    Publicité
aOuaga.com NEWS
Comment

Accueil
News
Politique
Article
Politique

Crise à Sabcé : quand des politiques compromettent paix, développement ...
Publié le mardi 23 aout 2016  |  Sidwaya




Le 20 juin 2016, le processus d’élection du maire et des adjoints au maire de la commune rurale de Sabcé, située à 15 km de Kongoussi dans la région du Centre-Nord, a été interrompu à la suite d’affrontements entre militants du Nouveau temps pour la démocratie (NTD) et ceux du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP). Il en a résulté une tension politique qui a exacerbé le clivage social latent. Le 6 août 2016, une équipe de Sidwaya s’y est rendue pour comprendre...

Sabcé, 6 août 2016. Il est 11h25 quand l’équipe de reportage de Sidwaya parvient à la hauteur de l’hôtel de ville, premier édifice public à l’entrée de la commune rurale. Tout paraît serein, au vu de l’ambiance tranquille qui y règne. Les journalistes se présentent au commissariat de police pour expliquer les raisons de leur mission et solliciter le couvert sécuritaire des forces de l’ordre. Une fois le quitus du commissaire aquis, ils mettent le cap sur le Centre de santé et de promotion sociale (CSPS) de Sabcé où séjournent des blessés des affrontements du 20 juin. Stupeur. L’infirmier- chef de poste refuse de se prêter aux questions. « Ce coin est bizarre, il suffit que tu dises quelque chose pour te créer des ennemis. Je suis neutre et je ne recherche que la quiétude », dit-il, en guise d’excuse. C’est finalement un membre du personnel soignant, sous couvert de l’anonymat, qui accepte de délier la langue. Le jour de l’élection du maire, le CSPS aurait accueilli trois blessés, deux hommes et une femme, selon cette source. Elle précise que ces personnes portaient des traces de coups, l’une des victimes ayant été blessée au couteau. Dans l’impossibilité d’entrer en contact avec le président de la délégation spéciale qui a dirigé la commune sous la Transition, l’ancien préfet en poste à Sabcé au moment des faits, c’est le premier vice-président de la délégation spéciale, Alain Ouédraogo, qui se prononce. Celui-ci déclare qu’il était absent le jour de l’élection du bureau communal. Toutefois, il situe le début des violences politiques à Sabcé au 22 mai 2016, à l’occasion du scrutin municipal. « Les militants du MPP (NDLR : Mouvement du peuple pour le progrès) empêchaient systématiquement ceux du NTD (Nouveau temps pour la démocratie) de voter. Ils ont violenté plusieurs personnes ce jour-là », affirme-t-il. Son souhait est que le processus électoral soit entièrement repris dans la localité afin que Sabcé échappe au régime de délégation spéciale. Ce vœu est partagé par des militants du NTD. Parmi eux, Harouna Maïga. Ce quadragénaire habitant Sabcé, est un supporteur de Mahamoudou Pierre Zoungrana, l’ancien maire, candidat du NTD. Il donne une version de la discorde entre les militants des deux partis sus-cités. A l’en croire, Mahamoudou Pierre Zoungrana, démissionnaire du CDP, aurait prêté son concours pour l’élection du président Roch Marc Christian Kaboré en novembre 2015. Mais, à l’orée des élections municipales, voulant se porter candidat, il se serait confronté au refus de la coordination du MPP de Sabcé. C’ est alors que l’ancien maire déposera ses valises au NTD sous la bannière duquel il sera élu conseiller municipal, affirme M. Maïga.

Une intransigeance partagée par les deux camps

Quand arrive le moment d’élire le maire le 20 juin, Harouna Maïga est catégorique : « Personne n’a été élu ce jour, vu que des troubles ont perturbé la séance ». De son avis, la seule alternative qui se présente désormais à Sabcé est la reprise du processus des élections municipales ou la mise en place d’une délégation spéciale. « Toute autre tentative de règlement se soldera par des troubles sociaux », déclare-t-il, sous forme de menace à peine voilée. Lorsque l’on évoque les inconvénients d’une délégation spéciale pour le développement communal, Harouna Maïga n’en démord guère. Du côté du MPP, le même degré d’intransigeance se constate. Le Secrétaire général (SG) départemental de ce parti, Idrissa Ouérémi est, de son côté, farouchement opposé à la mise en place d’une délégation spéciale. « Bien malheureux sera le président de la prochaine délégation spéciale ici », prévient-t-il, sans sourciller. Le SG soupçonne particulièrement le préfet en poste au moment de l’élection du maire d’avoir été partisan. Selon lui, les autorités n’ont pas envoyé un nombre suffisant d’agents de sécurité à même de sécuriser les lieux. De plus, la police serait restée inactive quand le chef coutumier de Zomkalaga (village rattaché au département) est entré dans la salle d’audience pour emmener son fils (conseiller municipal du MPP) alors que les textes interdisent toute présence étrangère. Il suspecte également la duplicité du haut-commissaire qui n’a fait montre d’aucune diligence pour ordonner la reprise de l’élection de l’exécutif communal dans les délais requis. Et qui plus est, dit-il, les autorités administratives sont demeurées silencieuses à leurs requêtes pour, dans un premier temps, continuer l’élection du bureau municipal, et par la suite, installer le « maire élu ». Au-delà des autorités communales, l’amertume d’Idrissa Ouérémi va à l’encontre des dirigeants même de son parti. « Que les leaders s’entendent, c’est leurs combines qui nous causent ces malheurs. S’ils ne règlent pas le problème, cette situation nous conduira à notre perte », dit-il, d’un air désabusé. Mais pourquoi ne pas appliquer au niveau local cette sagesse qu’il réclame ? Sur cette question, Idrissa Ouérémi voit la situation sous un angle différent. L’ancien maire Zoungrana aurait fait son temps au terme de deux mandats et demi à la tête de la commune. « Qu’il accepte d’être remplacé », dit-il. La main sur le cœur, le SG prétend analyser la situation le plus objectivement qui soit. « C’est Mahamoudou Pierre Zoungrana qui m’a envoyé à La Mecque. Je lui en suis éternellement reconnaissant. Mais cela ne m’empêchera pas d’être véridique », confie-t-il.

Mésentente autour d’un partage de postes

A l’évidence, la crise de Sabcé tourne autour de deux personnes : le directeur administratif et financier de l’Office central des examens et concours du secondaire (OCECOS), Rigobert Nassa, militant du MPP et l’opérateur économique à la tête de la chaîne de l’ « Hôtel Pacific » et des stations-services « SOGEL-B », Mahamoudou Pierre Zoungrana. Le conseiller municipal du NTD, Nabonsba Ouédraogo, reconnaît, avec amertume, que le candidat du MPP, Rigobert Nassa, est celui qui a recueilli le plus de voix à l’issue des votes au détriment du candidat NTD, Mahamoudou Pierre Zoungrana. « Nous avons été trahis par les conseillers UPC (NDLR : Union pour le progrès et le changement). Ils n’ont pas suivi la consigne de leur bureau politique national qui a prescrit à ses militants de s’abstenir face aux partis de la majorité présidentielle », fulmine-t-il. De plus, M. Ouédraogo s’insurge contre le fait que le poste de 1er adjoint au maire revienne à l’UPC qui ne compte que quatre conseillers. « C’est parce que nous n’étions pas d’accord avec le partage des voix que nous sommes sortis de la salle du conseil », se défend-il. Mais il nie que le NTD ait été à l’origine des troubles. Une version contraire à celle donnée par la conseillère MPP, Zénabou Ouédraogo. « Après le vote du 1er adjoint au maire, les conseillers NTD se sont retirés de la salle. Ils sont revenus quelques instants plus tard, armés de gourdins. J’ai même été blessée au cours de la course-poursuite qui s’en est suivie », relate-t-elle. Un troisième point de vue est donné par Grégoire Ouédraogo, membre de l’association « Wendmanegdé des jeunes de la commune de Sabcé pour le développement », qui dit participer aux instances communales en tant que militant de la société civile. A propos de la situation délétère qui règne à Sabcé, « l’activiste citoyen » en veut aux acteurs politiques. S’il n’a pas assisté à la séance d’élection, il aurait tout de même été autorisé à constater les incidents en tant qu’ OSC. « Ce que je peux dire, c’est que toutes les parties étaient armées de bâtons ce jour-là ». Il dit craindre pour l’avenir du département qui s’oriente inéluctablement vers une conduite sous délégation spéciale. Le militant de la société civile ne voit aucune piste de développement possible pour la commune rurale sous un tel régime exceptionnel. La manne d’une centaine de millions de FCFA que la mine Bissa Gold octroie annuellement à la commune depuis quelques années n’aura servi à rien jusque-là, fait-il savoir, fort de sa participation à la dernière délégation spéciale.

La chefferie coutumière indexée

Grégoire Ouédraogo ne s’explique pas le degré de « détestation » que le milieu politique entretient à Sabcé. Le coupable tout désigné, selon lui, serait la rivalité entre les chefs coutumiers, Naaba Wobgo de Sabcé et Naaba Koanga, qui se disputent la légitimité du pouvoir traditionnel dans la localité. Interrogé sur ce fait, Naaba Wobgo de Sabcé déplore le clivage politique au sein du département, sans faire cas de son prétendu rival. Le chef traditionnel situe, lui aussi, l’ origine de la crise aux élections municipales du 22 mai. « Ces élections ont connu des troubles sans précédent à Sabcé. Ils [NDLR : les militants du MPP] ont usé de tous les moyens d’intimidation pour empêcher les autres de voter », regrette-t-il. Comme solution, Naaba Wobgo recommande, la reprise des élections, avec un brin de scepticisme. A l’autre bout de Sabcé, Naaba Koanga se prononce dans un élan de dissociation entre chefferie coutumière et politique. Néanmoins, se définissant dans une posture légaliste, ce dernier situe le problème dans l’attitude des autorités administratives. « Un maire a bien été élu », se prononce-t-il. Et de s’interroger : « La procédure a, certes, été interrompue, mais pourquoi ne pas poursuivre le processus, en veillant à garantir les conditions idoines, comme la loi le prescrit » ? A demi-mot, il reproche un laisser-faire de la part du pouvoir exécutif qui lui donne l’impression de ramer à contre-courant de la volonté des habitants de Sabcé. Le chef Koanga est contre toute idée de reprise des élections ou d’installation d’une délégation spéciale. « Ce serait aller contre la logique républicaine sur laquelle repose le Burkina Faso », lance-t-il. Au terme d’une journée-marathon à Sabcé, l’évidence est qu’aucun camp ne démord de ses prétentions. Au demeurant, les militants-partisans s’alignent sur les positions de leurs mentors respectifs. De ces deux protagonistes, c’est Rigobert Nassa qui s’est prononcé, le lundi 8 août 2016. L’homme politique, comme lors de ses précédentes sorties médiatiques, revendique toujours son élection à la tête de la commune de Sabcé. Mais, il déclare ne pas s’opposer au dialogue. Les maintes tentatives d’entrer en contact avec Mahamoudou Pierre Zoungrana pour recueillir sa disposition au dialogue se sont butées, malheureusement, à l’indisponibilité de l’ancien maire.

Un dénouement sur fond
de tensions

Alors que nous bouclions cet article, nous avons appris que les conseillers municipaux ont été convoqués le 17 août pour parachever la mise en place du bureau communal. Des 70 conseillers du département, seuls les 33 du MPP et les 4 de l’UPC ont participé au vote. Le MPP se taille la majorité des postes. Ceux de premier adjoint au maire et de président du conseil régional sont revenus à l’UPC. Rigobert Nassa, dont l’élection au poste de maire a été entérinée, sera installé séance tenante. Cette dernière élection s’est déroulée sous la surveillance d’un imposant dispositif sécuritaire. Toutefois, aucun conseiller NTD n’y a pris part. Joint au téléphone pour comprendre l’absence des conseillers de son parti, le secrétaire du NTD au Bam, Moumouni Zoungrana, déclare n’avoir pas été informé de l’élection. Et il n’a fait aucun commentaire, prétendant ne pas vouloir que la commune rurale de Sabcé fasse encore la Une des journaux. Mais quelles sont les marges de manœuvre d’un bureau exécutif municipal élu par moins des deux tiers des conseillers ? A cette question, le juriste Kélguingalé Illy, membre de la Société burkinabè de droit constitutionnel nous renvoie à l’article 238 du Code général des collectivités territoriales qui stipule que « le conseil municipal ne peut valablement siéger que si les deux tiers des membres sont présents à l’ouverture de la session ». Nonobstant les alinéas suivants de cet article qui permettent au conseil municipal de fonctionner avec la majorité simple des conseillers, il est à craindre que les protagonistes continuent de s’observer en chiens de faïence. En tout état de cause, les destinées de la commune rurale de Sabcé sont désormais entre les mains de ses habitants.

Fabé Mamadou
OUATTARA

.....................................................................................................................................

Kélguingalé Illy, spécialiste du droit public et membre de la Société burkinabè de droit constitutionnel (SBDC) : « Seul le dialogue peut éviter à Sabcé une délégation spéciale »

« L’élection du maire et de ses adjoints est régie par l’article 255 du Code général des collectivités territoriales (CGCT) et par les articles 252 et 253 du Code électoral. Si l’élection du maire à Sabcé n’a pas pu être conduite à son terme, à la suite des troubles intervenus, il faut alors la reprendre en conservant ce qui peut être juridiquement considéré comme acquis, c’est-à-dire, le vote du maire et de ses deux adjoints. En ce qui concerne la suite, le conseil municipal étant incomplet, il faudra convoquer une autre session pour élire les autres membres de son organe dirigeant. S’il y a une impossibilité de réunir les membres du conseil municipal, il peut être envisagé la mise de la commune sous délégation spéciale. Ces différentes dispositions constituent la voie juridique qui permettra à cette commune de fonctionner de manière légale. Toutefois, il y a lieu de préciser qu’en situation de crise, il ne faut pas aller immédiatement dans la prise de décision contraignante. Il faut essayer au préalable de comprendre et de rétablir le dialogue, car, seul le dialogue peut aider à ne pas aller dans la mise en place d’une délégation spéciale dans le cas de Sabcé. Mais, il est important que les Burkinabè comprennent que chacun doit contribuer à la construction du pays ».
.....................................................................................................................................
La politique doit viser l’intérêt général

Les élections municipales de mai 2016 ont fait la preuve « du degré de maturité » des populations insurgées burkinabè. Avoir raison d’un président et éprouver moult difficultés à élire un maire à la tête des départements, relève de l’absurde. Un tour d’horizon des dernières élections locales au Burkina Faso, montre que Sabcé n’est pas la seule commune à éprouver des difficultés pour se trouver un édile. Seulement, la singularité de cette commune rurale dérive du fait que le clivage politique des habitants est entretenu par un conflit endémique sur le plan coutumier. Naaba Koanga, chef du canton de Risyam (dont dépend Sabcé) a, lui, voulu distinguer situation politique et coutumière, quand son « rival », le Naaba Wobgo de Sabcè en vient à intimer aux journalistes de ne pas les citer dans un même média. Il y a bien un sérieux problème. Et lorsque cet ordre est donné à la suite d’une interview des deux chefs traditionnels sur un même sujet politique, le rapport est vite établi. Naaba Wobgo ne cache pas son soutien à l’ancien maire de Sabcé, Mahamoudou Pierre Zoungrana. « C’est un monsieur qui est plein de largesses et n’importe qui ici sait pertinemment en son for intérieur que sa générosité est un fait », a-t-il confié à Sidwaya, parlant de l’ancien maire. Naaba Koanga, quant à lui, se garde de s’afficher clairement mais son point de vue, qu’il déclare objectif, laisse percevoir suffisamment qu’il a un penchant pour Rigobert Nassa, celui-là même qui a été élu le 17 août. Sabcé a enfin son exécutif communal, mais bien malin qui peut en déduire que la cohésion est de retour dans le département. Et ce sera vraiment dommage que les habitants de cette commune rurale couvent le germe de la dissension. Partant de l’évidence que rien de durable ne peut se construire dans la division, ils devraient se rappeler que les fondements de la République « Arc-en-ciel » d’Afrique du Sud ont été bâtis sur une alliance entre Frederick Declerk et Nelson Mandela, l’un ayant pourtant été pendant un certain temps le bourreau de l’autre.
.....................................................................................................................................

Un fait qui illustre la profonde division de la population est ce que nous pouvons appeler « velléités d’immixtion » des militants d’un parti dans notre reportage. En effet, pendant que nous en étions à la collecte des informations à travers l’interview des différents protagonistes, un monsieur (dont nous tairons le nom et le parti) nous interpelle. Il se plaint du fait que nous avions interrogé beaucoup plus de personnes de l’autre camp et que nous les avions même regroupés pour cela, alors qu’ eux n’ont pas eu droit à « ce privilège ». Nous lui expliquons que l’important n’est pas le nombre de personnes entendues, mais plutôt la pertinence des informations que nous recueillons. Il insiste sur sa position et exige que nous les regroupions aussi pour refaire la même interview. « Ont-ils des informations supplémentaires à communiquer ? », il répond par la négative. Face à notre refus d’obtempérer, il nous interdit de publier leurs propos.

F.M.O
Commentaires

Titrologie



Sidwaya N° 7229 du 8/8/2012

Abonnez vous aux journaux  -  Voir la Titrologie
Sondage
Nous suivre

Nos réseaux sociaux


Comment