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Sidwaya N° 7263 du 28/9/2012

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Les enchères de l’éducation
Publié le lundi 1 octobre 2012   |  Sidwaya




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A la veille de la rentrée scolaire 2012-2013, on assiste à une augmentation quasi généralisée et bien surprenante des frais de scolarité dans les établissements d’enseignement privés. Du primaire au lycée en passant par le collège et même au préscolaire, tous les ordres de l’enseignement général et privé sont gangrenés par ce phénomène de hausse vertigineuse des frais d’inscription. Au supérieur, où le secteur privé supplée davantage tant que bien que mal, la faiblesse de l’offre de cet ordre d’enseignement par l’Etat central, la situation est des plus déconcertante.
Pour se faire une simple idée, rien qu’à la rentrée scolaire de 2011-2012, les fondateurs des écoles primaires exigeaient pour les classes de CP1 au CM2, des frais scolaires allant de 22 000 à 24 000 F CFA dont 1000F CFA supplémentaires pour la caisse de l’Association des parents d’élèves (APE). Au secondaire, il fallait généralement débourser quelque 65 000 F CFA pour inscrire son enfant au collège.
Pour la présente rentrée, les promoteurs des établissements d’enseignement privés exigent au minimum 30 000 F CFA pour espérer une place au primaire.
Pour le secondaire, les frais sont portés de 80 000 à 90 000 F CFA. Cette hausse vertigineuse est source de nuits blanches pour les parents. En tous les cas, les députés qui consentent l’impôt, n’ont pas procédé au cours des différentes sessions parlementaires de l’année en cours, à une augmentation quelconque des charges des promoteurs en matière d’éducation. Idem au ministère de l’Economie et des Finances où aucun nouveau décret, excepté celui relatif à la vacation, ne charge financièrement les différents promoteurs. Pourquoi donc ces hausses vertigineuses en cascades des tarifs  ?
A la faveur du libéralisme et surtout face à l’impossibilité du pouvoir central de s’assumer pleinement en offrant aux enfants de la république, l’éducation dont ils ont droit, les marchands du savoir ont vu en l’éducation, une poule aux œufs d’or. Mais où allons-nous avec ça ? Arrêtons la dérive  ! Cette injonction s’adresse aux promoteurs d’établissements d’enseignement privé essaimés un peu partout dans notre pays. Pourquoi sommes-nous de plus en plus avides d’argent  ? C’est vrai, on ne saurait vous demander de devenir de bons samaritains quand vous avez réalisé des investissements et attendez en retour qu’ils vous rapportent quelque chose. Mais l’éducation est un domaine spécifique et on ne devrait pas vendre le savoir comme on marchande un article quelconque à Rood Woko. Si l’Etat est celui-là même qui autorise l’ouverture de ces établissements, il devrait être plus regardant sur la fixation des frais de scolarité afin de permettre au maximum de filles et de fils du pays, de bénéficier du savoir et de la connaissance.
Le penseur français Georges Jacques Danton ne nous enseigne-t-il pas qu’ « après le pain, l’éducation est le premier besoin d’un peuple »  ? L’Etat gagnerait à jeter davantage un regard sur le secteur éducatif privé. Ce n’est pas parce que l’Etat seul ne peut pas construire suffisamment d’écoles pour éduquer ses enfants que des marchands vont se permettre de pressurer les parents d’élèves. Il faut au moins veiller à ce que les autres acteurs de l’éducation et de la formation n’exagèrent pas dans la tarification du savoir. La libéralisation ne doit pas être une prime à la dictature des prix dans aucun secteur d’activité encore moins chez les promoteurs d’établissements d’enseignement. Suite au contrôle effectué sur les prix des fournitures scolaires, de plus en plus de voix s’élèvent pour demander au gouvernement d’ouvrir l’œil sur le comportement sans borne des marchands du savoir. Parmi ceux-ci, figurent en bonne place les parents d’élèves qui souhaitent vivement que l’Etat les aide à desserrer leur cou car, les frais pratiqués dans l’enseignement privé les étouffent d’année en année. Peut-on continuer et doit-on autoriser que l’éducation devienne une autre place boursière pour les investisseurs  ? L’éducation est-elle un marché comme les autres où on peut venir se faire du fric le plus rapidement possible par le truchement des augmentations effrénées des frais de scolarité  ?
Il est clair que les politiques publiques visant à permettre à chaque enfant qui naît ou qui arrive dans ce pays d’aller à l’école courent vers un échec si liberté est laissée à cette nouvelle race de commerçants. Des milliers d’enfants se retrouveront dans la rue si des mesures rigoureuses ne sont pas prises. Combien de parents ont la capacité financière de supporter les caprices des promoteurs des écoles et lycées privés  ? Ils se comptent du bout des doigts. Que dire des ruraux et des paysans dont le pouvoir d’achat est reconnu bas ?
Inviter les promoteurs d’écoles d’enseignement privé à accompagner la politique de l’Etat en matière d’éducation, c’est donner plus de chance à chaque enfant burkinabè d’être éduqué et instruit, d’avoir la chance d’apprendre à "lier le bois au bois" pour pouvoir participer à la construction du pays.
Il n’y a pas de doute à croire que les promoteurs d’écoles privées sont des partenaires incontournables de l’Etat en matière d’éducation. C’est pourquoi, le système d’enseignement de l’Etat est rigoureusement en vigueur dans tous les établissements privés. Par ailleurs, sachant l’importance du privé à ses côtés, chaque année, l’Etat apporte une subvention à l’enseignement privé laïc et confessionnel. Au nom donc de ce partenariat, il faut veiller à rendre supportables et accessibles les frais de scolarité appliqués au privé.
Et comme la concertation dans ce pays a toujours permis de s’accorder sur des sujets d’importance nationale et d’éviter le chaos, il y a nécessité de se pencher sur les frais de scolarité pour endiguer les effets indésirables de la libéralisation du système scolaire. On se souvient que la fixation des prix des produits de première nécessité a été possible grâce à une concertation entre le gouvernement et les commerçants. Cette mesure, malgré les insuffisances relevées çà et là avait permis de soulager un tant soit peu le consommateur.
Dans le secteur de l’éducation, le gouvernement par le dialogue peut parvenir à encadrer les frais de scolarité et encourager les parents à envoyer davantage leurs enfants à l’école et surtout éviter les déperditions scolaires dues à l’incapacité de ceux-ci à supporter des frais scolaires qui explosent de plus en plus. Le comble est que c’est au moment où la qualité de l’enseignement régresse que les frais de scolarité progressent  ! Ils sont nombreux ces établissements d’enseignement qui, malgré les prix exorbitants ne disposent pas suffisamment d’enseignants et surtout en qualité. Des cireurs de chaussure devenus des profs d’anglais est chose réelle au Burkina Faso  ! Rendre les écoles burkinabè accessibles, c’est construire l’avenir de la nation entière. Tant que les marchands du savoir mettront uniquement l’accent sur le profit, le nombre des déscolarisés et des analphabètes sera de plus en plus élevé en ville comme en campagne. Le seul métier peut-être facile que la nation proposera à cette catégorie de Burkinabè exclus du système scolaire sera la vente de carte de téléphonie mobile comme on le voit de plus en plus dans nos rues. Voulons-nous préparer des spécialités de fabrication de faux billets et des faux documents administratifs ou encore des braqueurs dans nos villes et campagnes en plein jour ? Dans ces deux derniers cas, même les marchands du savoir une fois devenus riches après avoir exploité les parents d’élèves, pourraient en faire les frais. Une telle situation apocalyptique n’est pas souhaitable pour ce pays. « L’éducation est pour l’enfance ce qu’est l’eau pour une plante  », relève La Rochefoucauld. Ne privons pas d’eau les plantes qui nous permettent d’assurer notre survie. Faisons en sorte que chaque enfant qui naît au Burkina Faso ait accès au savoir à moindre coût. L’avenir de la Nation en dépend. Une vente aux enchères des places dans nos écoles, lycées et collèges fera certainement du bien aux promoteurs mais constituera la source d’un grand mal à notre pays.

Rabankhi Abou-Bâkr ZIDA

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