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Coup d’Etat manqué, terrorisme, justice militaire…: Gilles Thibault se confie à Fasozine
Publié le jeudi 11 aout 2016  |  FasoZine
Industries
© L`Observateur Paalga par Alassane Ouédraogo
Industries extractives : les résultats d`une étude restitués
Jeudi 18 septembre 2014. Ouagadougou. Le Réseau africain de journalistes pour l`intégrité et la transparence du Burkina Faso (RAJIT-BF) a présenté les résultats d`une étude sur l`indice de gouvernance des industries extractives pour évaluer les forces et les faiblesses du Burkina en la matière. Photo : Gilles Thibault, ambassadeur de France au Burkina




Après un séjour de trois années d’un séjour par moment bien mouvementé, l’ambassadeur de France est arrivé en fin de mission au Burkina Faso. Au moment de faire ses valises pour le Cameroun son nouveau poste, Gilles Thibault a bien voulu nous accorder cet entretien. Il évoque, entre autres, le putsch manqué de septembre 2015, l’attente du procès annoncé par le président du Faso pour la fin de cette année au plus tard, la justice militaire, la rumeur qui a enflé suite à sa nomination au Cameroun où il déposera ses pénates en principe dans la première quinzaine du mois de septembre prochain.


Fasozine.com: En fin de mission au Burkina en tant qu’ambassadeur, quel sentiment vous anime?

Gilles Thibault: J’ai passé au Burkina trois années extrêmement enrichissantes sur tous les plans avec de très belles rencontres professionnelles compte tenu des événements que nous avons vécus. Je pars conscient de la chance que j’ai eue de passer trois années dans ce pays où j’ai pu vivre des moments historiques.

Qu’est-ce que vous allez emporter dans vos bagages comme souvenir?

Dans mes bagages, j’emporterai des moments mémorables, des expériences formidables. Je retiens la capacité extraordinaire des Burkinabè à trouver, en interne, des solutions aux situations les plus tendues, leur volonté d’offrir des voies de sortie à ceux qui se sont mis dans l’impasse, leurs recherches de la concorde par toutes les voies pacifiques. Le Burkina est réellement le berceau de l’arbre à palabres et également de la parenté à plaisanterie. Et ce sont là deux moyens de régulation des rapports sociaux qui ont fait leurs preuves depuis des siècles, des décennies et encore récemment durant les deux années passées.

Ceux qui se sont mis dans des impasses, de qui voulez-vous parler concrètement?

Concrètement, le premier d’entre eux à s’être mis dans une impasse, c’est le chef de l’Etat qui est parti en 2014. Le président Blaise Compaoré avait derrière lui un bilan honorable. Il avait bien travaillé à compter de 1991 et il aurait dû partir par la grande porte. Il a pris le risque de vouloir rester et cela n’a pas marché. D’autres après lui se sont mis dans des impasses. Il y a l’ex Régiment de sécurité présidentielle (RSP) dont certains membres, qui probablement avaient des griefs fondés contre quelques individualités de la Transition, des personnes issues de leurs propres rangs, notamment l’ancien Premier ministre (Yacouba Isaac Zida, NDLR) et d’autres. Ils ont fait, de toute façon, le mauvais choix.

Faire un coup d’Etat en 2015 au Burkina Faso, cela n’avait aucun sens. Personne n’allait l’accepter, ni les Burkinabè, ni la communauté internationale. Je l’ai dit aux principaux intéressés moins d’une demi-heure après les séquestrations du Président du Faso (Michel Kafando, NDLR) et du Premier ministre. C’était tout à fait inacceptable et intolérable. Outre cela, le Premier ministre Isaac Zida, d’une certaine façon, s’est lui aussi, mis dans une impasse. Le président du Faso lui a demandé de rentrer et il est donc actuellement déserteur ce qui est loin d’être à son honneur. Il se doit de rentrer pour rendre des comptes à la Nation et à ceux qui ont cru en lui.

L’un de ceux qui se sont mis dans des impasses, n’est-ce pas aussi le Général Gilbert Diendéré qui avait été décoré par la France, de la Légion d’honneur?

Il avait été décoré de la Légion d’honneur mais elle lui a été retirée par décret du président de la République (le président français, NDLR) pour acte contraire à l’honneur.

Avez-vous des nouvelles des présumés putschistes?

Je suis au même niveau d’information que vous. Je sais qu’ils sont à la Maison d’arrêt et de correction des armées et qu’ils attendent leur procès.

Ce procès se tiendra à quel moment?

Le président du Faso a été clair. Il a dit qu’il souhaitait que ce procès ait lieu avant la fin de l’année. La justice est à l’œuvre et je crois que tout le monde attend effectivement que le procès se tienne bien d’ici à la fin d’année.

Certains estiment qu’il faut que la justice soit équitable au cas où se tiendrait le procès. Mais actuellement, la justice est beaucoup décriée…

Le Burkina Faso est un pays indépendant et dans un pays indépendant, la justice est indépendante.

Dans un Etat de droit comme le Burkina et à notre époque, la justice militaire n’est-elle pas quelque chose d’exceptionnel, d’incongru?

Oui, le terme incongru est peut-être bon… La justice militaire a été supprimée en France en 1981, la même année que la peine de mort a été abolie. Probablement que le Burkina va maintenant franchir cette étape. Il n’y a pas de justiciables au-dessus des autres, rien ne justifie que les militaires soient jugés par eux-mêmes. La justice se doit d’être la même pour tout le monde. Il n’y a donc pas lieu de faire des différences pour les membres des forces armées.

Djibrill Bassolé, l’ex ministre burkinabè des Affaires étrangères est également accusé dans cette affaire de putsch. L’avez-vous rencontré après le coup d’Etat?

Personnellement, je ne l’ai pas vu au moment du putsch. J’ai travaillé avant le coup d’Etat avec lui tout comme j’ai travaillé avec le Général Diendéré. L’un ou l’autre, dans leurs domaines respectifs, étaient de très bons professionnels. Je me souviens d’excellents échanges avec le ministre des Affaires étrangères, de son carnet d’adresses et aussi de la gestion remarquable par le général Diendéré, des conséquences du crash du vol AH 5017 d’Air Algérie (crash survenu le 24 juillet 2014 en territoire malien, NDLR). Maintenant les actes dont ils ont à répondre n’ont rien à voir avec les qualités qu’ils ont démontrées dans l’exercice de leurs fonctions.

Avez-vous pu les rencontrer depuis?

Oui. Parce que j’ai dû apporter au général Diendéré le décret présidentiel lui signifiant qu’il était radié de l’Ordre de la Légion d’honneur.

Avec le recul, ne pensez-vous pas qu’on aurait fait l’économie de ce coup d’Etat si la loi d’exclusion contre laquelle les présumés putschistes disaient avoir agi n’avait jamais existée et que les chancelleries l’avaient désavouées comme elles ont combattu la volonté de Blaise Compaoré de s’éterniser au pouvoir?

L’histoire est passée. Vous le savez bien, avec des si, on peut mettre Paris en bouteille.

Qu’est ce qui est fait par la France pour accompagner le Burkina dans la lutte contre le terrorisme?

La France fait beaucoup dans ce sens. Il y a de très nombreuses formations des forces de sécurité burkinabè, en l’occurrence la police et la gendarmerie, qui ont lieu chaque année, formations faites par des spécialistes du RAID (unité d’élite de la police nationale française, NDLR) et du GIGN (Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale, NDLR). Du reste, ces questions sécuritaires ont constitué un volet important de la visite du président du Faso à Paris en avril 2016. Suite à cette visite, le ministère français de l’Intérieur a envoyé une mission d’audit dont les résultats ont été présentés au président du Faso et au ministre d’Etat burkinabè en charge de la Sécurité intérieure.

Il a été question du déploiement du GIGN au Burkina…

Il n’a jamais été question que le GIGN s’implante au Burkina Faso. Absolument pas. Les Français payent des impôts pour leur sécurité, donc envoyer un détachement du GIGN au Burkina, cela n’aurait pas de sens. En revanche, le ministre de l’Intérieur français, M. Bernard Cazeneuve, avait dit qu’il pourrait être mis en place un détachement de deux à trois personnes pour aider les autorités locales et celles des pays voisins en cas d’attaques terroristes.

Depuis les attaques du 15 janvier 2016, le Burkina Faso est-il toujours dans l’œil du cyclone?

Le Burkina Faso appartient au club des démocraties modernes résolument contre toute forme de fanatisme religieux. Il est engagé au Mali avec deux bataillons et il est comme la France, la Turquie, la Côte d’Ivoire, et toutes les nations qui appartiennent à ce camp, une cible pour les terroristes. Lors de mon discours du 14 Juillet 2016, j’ai dit que la vague djihadiste passera comme sont passées toutes les vagues terroristes mais qu’il faudrait du temps et les efforts de tous. Ce qui doit être fait maintenant, c’est que tous les Etats doivent s’entendre pour combattre ces forces qui cherchent à nous diviser. Il faut aussi qu’ils s’entendent au niveau bilatéral, régional et international.

L’attentat de Saint-Etienne-du-Rouvray qui a été fatal au père Jacques Hamel, le 26 juillet 2016 est-il un acte perpétré contre les catholiques comme le pensent certains?

Non. Les attentats qui se succèdent, en Occident et malheureusement encore plus dans les pays islamiques, prennent toutes les formes. Ils ont pour objectif de distiller la peur. Et assassiner un prêtre, c’est assassiner un Occidental et demain cela peut être encore quelqu’un d’une autre confession ou un athée. On a à faire à des actes isolés difficilement prévisibles. Et c’est la maladie du 21e siècle.

Avec les attaques répétées sur le sol français en dix-huit mois, Paris, Nice et Saint-Etienne-du-Rouvray, pour ne citer que ceux-là, la France est-elle plus que jamais devenue une cible privilégiée des terroristes?

La France est une cible comme le Burkina, comme l’Allemagne et tous ceux qui sont engagés avec détermination contre ces forces obscurantistes.

Votre prochaine destination?

Je pars comme ambassadeur au Cameroun. Je ne connais pas l’Afrique centrale et je me réjouis de découvrir cette région de ce continent magnifique.

Selon des rumeurs, le Cameroun n’aurait pas accepté votre accréditation en tant qu’ambassadeur?

(Silence d’étonnement) La procédure est close depuis quelque temps déjà. Elle s’est déroulée sans difficulté et rapidement. Je rejoindrai ma nouvelle affectation mi-septembre en gardant dans mon cœur beaucoup d’affection pour le Burkina Faso et ses habitants, à qui je souhaite le meilleur.

Propos recueillis par Morin Yamongbè et retranscrits par Dimitri Kaboré
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