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Inondations à Ouaga : des sinistrés crient famine, le CONASUR parle de naufrages fictifs
Publié le mercredi 10 aout 2016  |  L`Observateur Paalga
Inondations
© aOuaga.com par A.O
Inondations à Bissighin : les sinistrés relogés dans des écoles
Mercredi 5 août 2015. Ouagadougou. Les sinistrés du quartier Bissighin suite aux inondations causées par la pluie du 2 août ont été provisoirement relogés dans des écoles




Manque de vivres, de toilettes décentes, de moyens financiers, d’éclairage... tel est le vécu des 8 353 sinistrés de Ouagadougou dont les maisons et leurs contenus ont été emportés par les fortes pluies des 10, 11, 19 et 20 juillet 2016. Cependant, sur les 21 sites provisoires créés pour leur hébergement, les problèmes diffèrent d’un endroit à un autre. Pendant que certains crient famine sur le site de Sidpasseté à Nagrin et à Somgandé, à Watinoma, il y a des vivres mais pas d’argent pour acheter des condiments. Le ministère de l’Action sociale à travers le SP/CONASUR, affirme avoir pourtant donné du grain pour au moins un mois à compter du 20 juillet et même que les premiers sinistrés ont reçu de quoi subsister pendant un bon trimestre.

Il est 8h00 le mercredi 3 août 2016. Les nuages ont déjà assombri le ciel. Nul doute, il va pleuvoir. Il faut arriver rapidement à M’ba Simon Toega, la zone non lotie du quartier Nagrin à l’arrondissement 7 de la capitale. En une trentaine de minutes, nous y sommes malgré le délabrement des voies, notamment du tronçon allant de l’intersection du cimetière route de Saponé au quartier Nagrin. “Mobili ! Mobili ! Mobili !”, entend-on ça et là lorsque nous franchissons la cour de l’école Sidpasseté, en guise de comité d’accueil sur ce site qui abrite une partie des naufragés de juillet 2016. Ces mots étaient prononcés des enfants tout heureux de voir un véhicule approcher leur “domicile”. De vieilles dames installées à même le sol, les plus jeunes attelées à faire la lessive, des cris d’enfants, bref telle est l’ambiance qui y régnait. Le maître des lieux, Kassoum Tapsoba, nous reçoit et siffle le rassemblement. La cour est bondée de monde. Ce qui frappe tout de suite, c’est le nombre élevé des femmes et des enfants, et comme s’ils attendaient une oreille compatissante pour confier leur misère, ils commencent à égrener le chapelet de leurs difficultés : “Dites tout pour que les journalistes puissent révéler aux autorités et à la population entière votre vécu ici”, lance le responsable du site, Kassoum Tapsoba. On l’a compris, ils en ont gros sur le cœur et ont envie de vider leur sac.

“Ma maison, avec tout ce qu’elle contenait, est partie avec la pluie du 20 juillet. Depuis ce jour, j’ai trouvé refuge ici, mais la vie n’est pas rose. Les services de l’Action sociale passent de temps à autre nous donner des vivres, mais depuis trois jours nous n’avons plus rien”, raconte Awa Zangré, la soixantaine environ.

Kassoum Tapsoba s’improvise animateur : “Avez-vous mangé hier?”, “Non”, répond en chœur la foule. “Et Avant-hier?” “ Non! Aujourd’hui même, nous ne mangerons pas”.

“Nous faisons pitié. Je suis là avec 6 membres de ma famille. C’est ma belle-fille qui m’a réveillée le jour du déluge, j’ai essayé de me tenir debout, en vain, tellement l’eau entrait dans la maison avec une force insupportable. Je suis tombée une première fois, après une deuxième tentative j’ai réussi à me relever, et l’eau était à ma taille. Toute ma maison s’est effondrée. Il ne reste plus qu’un terrain vide”, confie une sinistrée. Alizèta Tapsoba d’ajouter : “Les enfants pleurent partout de faim. Vraiment notre préoccupation, c’est manger et dormir. De plus, nous n’avons pas de vêtements et il fait froid. Ce sont nos enfants qui sont les plus exposés”. Contrairement à Alizeta Tapsoba, Safi Coulibaly pense que la solution n’est pas de leur donner à manger, mais plutôt de leur trouver des zones d’habitation non inondables : “Nous interpellons les maires surtout le maire de Ouagadougou, il n’y a pas de solutions, si ce n’est qu’on nous trouve des zones non inondables ou qu’on nous donne des matériaux pour construire des maisons en dur”.

La vieille dame à la jupe

Gomtanga Nana ou “pug yaang zipou”, entendez la vieille dame à la jupe, se plaint en ces termes : “Je n’ai personne, ni enfant, ni mari. Je n’ai que Dieu. Donc aidez-moi, s’il vous plaît”.

Sur ce site, à en croire le responsable, il y a 476 personnes, soit une dizaine par salle. Les femmes et les enfants sont installés dans les classes et les hommes dorment dehors, sauf en cas de pluie. “Comment se débrouillent les couples ?” Réponse du Dougoutigui, chef de village en français : “On ne peut pas tenir compte des couples pour la répartition, car les problèmes que nous vivons ici inhibent toute envie sexuelle” Et Zenabo Zoungrana de préciser : “C’est lorsque tu as un toit que tu penses à ça. J’ai même froid en ce moment, mais si mon homme se hasarde à m’approcher, je le chasserai”, lance-t-elle. Le rire de l’assistance vient décrisper l’ambiante sinistre et détendre les visages minés par le désarroi.

A tous ces problèmes s’ajoute celui de l’insécurité : “La cour n’est pas clôturée et les portes ne se ferment pas. Il faut qu’on y trouve des solutions avant la rentrée des classes”

L’un des rares hommes que nous avons trouvés sur place, Moussa Sankara, pense que la solution réside dans la construction de caniveaux : “Nous savons que le lotissement est compliqué pour le moment, donc nous demandons aux maires de construire des caniveaux. Depuis l’hôpital Blaise-Compaoré on doit canaliser l’eau. Sinon, s’ils restent là, à flatter les gens, alors qu’ils ne vont pas lotir aujourd’hui, encore moins demain, ça ne sert à rien. Les gens qui dorment ici mangeaient et buvaient avant le sinistre ; ce n’est pas à cause de ce qu’on leur donne sur les sites qu’ils sont là”.

Des vivres, mais pas de condiments

Cap sur le deuxième site du même quartier, l’école Marie Michelle. Il pluvine. Il y a du linge étalé sur la corde. Les salles de classes sont fermées à l’exception de deux. La première est occupée par des élèves en cours de vacances, et la seconde laisse entrevoir des nattes, des moustiquaires, des seaux… signe qu’il y réside des sinistrés qui, peut-être, n’attendent pas que leur pitance quotidienne vienne à eux.

Direction l’arrondissement 3. A quelques encablures du barrage de Boulmiougou se trouve l’école Watinoma. Là aussi, tout est fermé. Le bruit de notre fourgonnette de reportage alerte, et les pensionnaires vident les salles. La responsable, Aminata Ouédraogo, une veuve, la cinquantaine bien sonnée, prend la parole : “Nous sommes là depuis le 20 juillet. Ici, nous n’avons ni eau, ni électricité. Le paludisme fatigue nos enfants, nous n’avons rien comme médicaments. Les toilettes sont très sales, si on pouvait avoir du matériel pour les désinfecter, ce serait bien parce que nous sommes exposés à toutes sortes de maladies”, confie-t-elle, la mine déconfite. A chaque site son lot de problèmes. A M’ba Simon Toega, si les vivres font défaut, à Watinoma qui compte 174 sinistrés dont 110 enfants, ce n’est pas le cas : “Nous avons des vivres, mais pas d’argent pour les condiments”. Autant dire que le problème reste entier.

Roch, c’est nous qui t’avons voté

Nous jetons un coup d’œil aux toilettes, qui ne pourraient recevoir d’utilisateurs si ce n’est vraiment pour un besoin pressant.

Direction Somgandé sous une pluie battante, puisque, entre-temps, le ciel a fini par ouvrir de nouveau ses vannes. Difficile de circuler mais il faut continuer notre périple. Nous arrivons quand même à atteindre l’école Somgandé A, à l’arrondissement 4. Des femmes sont installées sur une petite terrasse devant les classes malgré l’averse. La raison, la toiture étant mauvaise, l’eau coule dans les salles au point qu’il est préférable d’être dehors : “Venez voir, faites les images ; regardez comment nous grelotons ici”. Ainsi sommes-nous ici accueillis par Sackinatou Sana, la responsable des femmes. “Depuis que l’Action sociale est venue le premier jour, nous ne les avons pas revus. Les enfants sont malades. Les toitures suintent ; quand il pleut, on ne peut pas dormir”, ajoute-t-elle. Alimata Bonkoungou, une pensionnaire, de dire : “A tous ces problèmes de logement s’ajoutent des soucis de santé. Je suis une veuve malade. Et aucun de mes 4 enfants ne travaille. L’aîné a même 35 ans et c’était déjà difficile, maintenant c’est pire”.

Roch, souviens-toi de nous qui t’avons voté

Ce sont des femmes remontées que nous avons trouvées en ces lieux : “Actuellement, nous demandons aux autorités de se souvenir que nous sommes ceux qui les ont votées. Allez dire à Roch que 5 ans c’est vite passé. On verra s’il sera encore élu. Nous sommes tous des Burkinabè. Il y a des endroits où des autorités donnent de l’argent et nous, nous sommes délaissés. N’eût été le soutien de quelques hommes politiques du quartier, nous aurions tous crevé. J’ai 12 membres de ma famille ici et j’ai reçu de l’Action sociale une boîte de sardines, une boîte de Corned beef, 2 sacs de riz de 25 kg, 1 seau, une natte, une couverture”.

Sinistrés fictifs

Pour mieux cerner la situation, nous avons rencontré Yipenè Florent Bakouan, le secrétaire permanent du Conseil national de secours d’urgence et de réhabilitation (CONASUR). Cette structure est l’instance nationale de suivi et de coordination des actions humanitaires en matière de prévention, de gestion des catastrophes, de secours d’urgence et aussi de réhabilitation. Pour M. Bakouan, il y a des sinistrés fictifs parce qu’en l’espace de quelques jours le nombre de personnes a quadruplé : “ Vous dites que vous êtes sinistrés, on vous reloge. Et si vous habitez réellement les lieux, lorsqu’on effectue une visite, on doit pouvoir voir des choses qui montrent que vous y résidez. Lorsque les gens ont entendu parler de l’assistance sociale, les chiffres ont commencé à augmenter. De 2 000 sinistrés on est passé à 8 353”.

Ouaga est difficile à gérer à cause des parcelles

On est curieux de savoir comment se créent les sites pour que le nombre flambe en si peu de temps. Pour le SP/CONASUR, le problème n’est pas de savoir qui est chargé de créer les sites dont voici le mode operandi : dans votre quartier, vous êtes sinistrés, vous partez dans la première école non loin de chez vous, vous vous installez jusqu’à ce que les services sociaux viennent négocier l’ouverture des salles, fassent une évaluation rapide. Dans cette première évaluation, on ne cherche pas à connaître le nombre de femmes et d’enfants. On veut juste le nombre de personnes. Si nous disons que sur tel site, il y a 100 personnes, on y envoie l’assistance pour 100 personnes, et cela dans le respect des normes humanitaires. Par exemple jusqu’à présent nos équipes sont toujours sur le terrain, elles font ce qu’on appelle les données désagrégées. Parce que nous devons savoir exactement le nombre de femmes et d’enfants. Ça c’est la première catégorie. Ce sont des données affinées qui permettent d’apporter une assistance complémentaire spécifique. Les enfants n’ont pas les mêmes besoins que les adultes. Les besoins des femmes différèrent de ceux des hommes. Nous avons des kits spéciaux pour les femmes, mais tant qu’on n’a pas le chiffre exact, c’est difficile de faire la distribution. Donc il y a l’évaluation rapide, et l’évaluation complémentaire qui se fait durant tout le processus pour qu’à la fin on aboutisse à des données affinées. Le processus est d’ailleurs toujours en cours et il nécessite des ressources financières”.

A en croire M. Bakouan, ceux qui se font passer pour des sinistrés ne sont autres que des chercheurs de parcelles : “Quand nous étions à Nagrin, les gens nous ont dit en “off” que certaines personnes ont envoyé des représentants par site. Une même famille pouvait se retrouver à Nagrin et à Watinooma. C’est comme des deals pour eux. Une famille qui est sur un site ne devrait pas être encore sur un autre, parce que cela fausse les totaux. Les chiffres augmentent du jour au lendemain. On a fait un recensement en début de semaine et en fin de semaine. On me fait savoir qu’il y a trois nouveaux sites ; c’est en raison de quoi ?”.



Ebou Mireille Bayala
&
Akodia Ada


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