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Art et Culture

Filière artistique au Burkina Faso
Publié le mercredi 10 aout 2016  |  Sidwaya
Rêve
© Autre presse par DR
Rêve artistique et révolution politique, de Ouagadougou à Paris




La question de la revalorisation artistique a fait l’objet d’une étude conduite par Touraman Productions auprès du public de cinq villes moyennes du Burkina Faso. Cette étude, qui mérite d’être poursuivie dans cinq autres villes pour avoir des conclusions définitives, est très révélatrice du potentiel dont disposent nos artistes pour un épanouissement véritable.

En Afrique noire sub-saharienne et particulièrement au Burkina Faso, la production artistique reste tributaire des subventions de l’Etat et des divers financements extérieurs avec son lot de conditionnalités plus ou moins justifiées.
Aucune de ces conditionnalités ne met suffisamment en valeur le rapport entre le public et l’artiste. Le souci n’est pas la rentabilité de la production. L’artiste doit-il rester un mendiant permanent ?
Sans le public, l’artiste et sa production se trouvent enfermés dans une tour dans laquelle ne peut se produire cette étincelle qui permet au créateur d’aller de l’avant pour séduire son public. Sans l’argent du public, une vraie production peut-elle s’améliorer, se pérenniser dans le temps et se prendre définitivement en charge ?
En dehors des efforts faits par les troupes de théâtre pour parcourir le pays et proposer leurs productions au pays réel (et là encore c’est souvent des commandes de sensibilisation), on est souvent surpris et même déçu de constater que notre culture, notre production artistique reste et demeure une production de festivals folkloriques.
En observant les chiffres du cinéma français par exemple (un des plus performants d’Europe), on constate que le succès de ce cinéma est toujours et avant tout un succès dû au nombre de salles et au taux très élevé de fréquentation de ces salles par le public français. Quand le prix d’un ticket de cinéma en France est de 10 euros (6 500 frs CFA) et que chaque année on enregistre des millions d’entrées pour un film, on comprend pourquoi la France produit beaucoup de films de qualité. Les artistes de ce pays bénéficient de ce fait d’un système de sécurité sociale avantageux.
A côté de nous, dans un pays anglophone, chaque quartier dans une grande métropole possède au moins une vingtaine de salles de cinéma. En raison du piratage des œuvres, toute production se rentabilise au bout d’un mois au moins avant de tomber dans les mains illégales des pirates à l’affût.
Voici deux situations qui stimulent la création, font vivre les créateurs avec avant tout le soutien et l’argent du public.
Aucun producteur digne de ce nom ne peut bâtir son plan de carrière, se basant sur des subventions ou présenter à une institution financière un compte d’exploitation crédible qui permette de mettre en œuvre un projet artistique ambitieux.
Dans le domaine de l’art plus que partout ailleurs, le culte de la médiocrité n’a pas d’avenir ! Le public doit être la seule conquête digne de l’artiste, car il est roi.
Une vraie politique culturelle se doit d’être orientée vers cette conquête du public qui ne demande qu’à consommer des productions de qualité conformes à son environnement et est prêt à payer pour ces loisirs. Le bien-être des populations n’est-il pas un gros facteur de production ? N’est-ce pas aussi un grand facteur de paix sociale ? Dans cette morosité ambiante, quel effet magique peut faire qu’un film ou un musicien se produise en même temps à Tenkodogo, Banfora, Koudougou, Dédougou, Ouahigouya et génère des recettes pour une future production ? Les films burkinabè ne franchissent jamais le seuil des salles de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso avec des recettes de misère vite englouties dans les frais de production et d’exploitation.

Les villes moyennes, base d’un développement culturel durable

D’après les chiffres de l’INSD (Institut national des statistiques et de la démographie), le Burkina Faso a un taux d’accroissement urbain de 7,1% et compte près de dix-sept villes moyennes. Ces villes moyennes se développent à un rythme accéléré et constituent une base solvable du développement de l’activité culturelle dans notre pays. Contrairement aux grands centres urbains, ces villes se sont développées très vite sans nécessairement tout l’accompagnement de structures de loisirs. Ces villes ressemblent aux quartiers périphériques des villes de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso. Avec un public qui a un revenu suffisant pour accéder à des loisirs de qualité.
Consciente de l’importance du public, Touraman Productions a entrepris de faire une étude du public de cinq de ces villes moyennes (Tenkodogo, Banfora, Koudougou, Dédougou, Ouahigouya). Cette étude qui mérite d’être poursuivie dans cinq autres villes pour avoir des conclusions définitives est très révélatrice du potentiel dont disposent nos artistes pour un épanouissement véritable.
En effet, en prenant en compte le niveau de vie des populations et leur capacité à gérer leur budget de loisirs, on enregistre des recettes brutes de l’ordre de 100 millions de francs CFA par salle et par ville. Cela représente une source de recettes pour l’Etat à travers les taxes sur les tickets et pour également le Bureau burkinabè du droit d’auteur.
Ce chiffre d’affaires inclut les prestations de musiciens, de troupes de théâtre, de conteurs et font partie des besoins exprimés par les populations avec un ticket d’entrée compris entre 400 francs et cinq cents francs CFA . 93% du public interviewé est prêt à signer une pétition pour la rénovation ou la construction de leur salle, tandis que 82,3% se propose d’apporter une contribution financière pour la rénovation de ces salles de proximité.

Le prix souhaité pour le ticket

La fréquentation des salles par les répondants est aussi conditionnée par le coût du ticket à l’entrée. Ce coût varie dans une même salle en fonction du type de place assise occupée. Ainsi, les places qui offrent plus de confort coûtent plus cher dans une même salle.
De façon globale, la moyenne des prix souhaitée par les répondants est en-deçà de la barre des cinq cents francs CFA. En effet, le prix moyen souhaité est de 484,2 FCFA. Ce prix est à peu près le même chez les hommes comme chez les femmes qui ont proposé des prix respectivement équivalent à 490,2 FCFA et 477,6 FCFA, donc tous deux inférieurs à 500 XOF.
En considérant les villes d’enquêtes, la répartition est peu disparate variant de 359,6 FCFA pour Dédougou à 594,9 FCFA pour la ville de Tenkodogo. La ville de Koudougou est également au-dessus de la barre de 500 FCFA mais très légèrement avec une majoration de 10 FCFA.

Une professionnalisation de la filière s’avère indispensable

On se rappelle encore de Demé Sylvain Mozac ou de la défunte Direction de la publicité (Zama Publicté) qui jouait un rôle de distributeur et d’organisateur de spectacles à travers tout le pays. Aujourd’hui, il est nécessaire de créer un réseau de salles de spectacles polyvalentes de qualité avec des distributeurs capables de mettre en place une billetterie fiable. Rappelons-nous du courage de nos pères de l’indépendance qui ont osé nationaliser nos salles de cinéma ce qui a permis à notre pays d’être à l’avant-garde du cinéma ; africain avec la création du FESPACO et du CIDC CIPROFILM.

Sans cette rigueur, cette organisation, il sera bien difficile de voir émerger des artistes de talents affranchis des subventions qui vont au-devant de la demande du public, devenant ainsi de véritables acteurs économiques et dont la qualité des œuvres sera reconnue dans des festivals. La démarche inverse est difficile à comprendre.
Il faut que nos artistes soient confrontés directement au public pour que cette réalité les amène à chercher à répondre aux besoins de ce public au quotidien.
Notre étude va se poursuivre dans les villes moyennes de Orodara, Fada N’Gourma, Kaya, Boromo, Koupèla.

Les réalités de la production au Faso

Touraman Productions a produit ces deux dernières années deux grands films documentaires. L’un sur la ville de Ouagadougou et le second sur la ville d’Abidjan qui ont tous été diffusés sur le réseau des télévisions francophones. A Ouagadougou, malgré un soutien de la commune et en jonglant avec une banque de la place, la production s’est globalement bien terminée. A Abidjan, nous sommes partis avec un retard de payement de la maison de l’entreprise (arbitrée par la suite en demande de compensation financière par un arbitre fantaisiste) le photographe de production a été sauvagement poignardé à Adjamé et a survécu. Nos deux partenaires sont la RTI et le district d’Abidjan. Si la RTI a respecté ses engagements, le district d’Abidjan nous a fait faux bond, en laissant sur le carreau l’équipe technique et tous les frais de production impayés. Ce qui nous a dissuadés de continuer la série sur les villes africaines. Une nouvelle série qui a reçu une petite subvention est en préparation dans la ville de Bobo-Dioulasso.

Notre étude doit se poursuivre pour donner une base rationnelle de création d’un réseau de salles au Faso pour que l’avenir de la production soit plus vivant et que le public ait accès à nos productions et que de véritables vedettes et idoles du public voient le jour et que nos futurs Francis Coppola et autres Luc Besson aient les moyens de leurs ambitions légitimes et que nos œuvres, au lieu d’être dans des tiroirs, parcourent le pays réel. Que nos techniciens chevronnés puissent être au four et au moulin au lieu de quémander chaque jour leur pitance dans les rues et de mourir sans gloire criblés de dettes. Seuls, l’amour et la bénédiction du public peuvent affranchir l’artiste de la misère et justifier sa création.


Adama TRAORE
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Sidwaya N° 7229 du 8/8/2012

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