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Exploitation minière au Burkina: le trésor qui divise
Publié le mercredi 3 aout 2016  |  Sidwaya
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© Autre presse par DR
Exploitation minière de l`or




Le boom minier a favorisé l’installation de nombreuses sociétés minières au Burkina Faso, ouvrant la voie à une modernisation du secteur, au détriment de l’orpaillage. Cette ruée vers l’or est toutefois marquée par des conflits entre entreprises minières et populations locales. De Namissiguima dans la région du Nord, à Tambao dans le Sahel, Sidwaya a fait une excursion dans l’univers minier, afin de percer le mystère de ces conflits.

Mariama Welet Wazimoun, 7 ans, habite à Tambao dans la région du Sahel. Comme bon nombre d’enfants de son âge dans cette localité, elle devra encore patienter avant d’aller à l’école. Elle qui comptait sur la promesse de la société en charge de l’exploitation du manganèse de Tambao, « Pan African », d’ériger un établissement scolaire, pour entamer un cycle d’instruction, a dû déchanter. En effet, deux ans après l’installation de « Pan African », l’école promise n’a pas encore poussé de terre. Cette promesse non tenue, tout comme tant d’autres, a fini par mettre les nerfs des habitants de Tambao à vif. «Nous, riverains de la mine, avons organisé une manifestation en février 2015 pour exiger l’arrêt des travaux de Pan African Tambao sur le site du manganèse à cause des engagements non tenus par l’entreprise», confie le père de Mariama, assis sous un hangar de fortune. L’habituel bruit assourdissant des concasseuses de minerais, qui dominait les beuglements des zébus, derrière les collines de manganèse, a fait place à un mouvement d’humeur sans précédent. Les responsables et les employés de la mine n’ont eu d’autre choix, que de sauver leur peau, en désertant, illico presto, le village. Depuis lors, selon les populations qui réclament un programme de développement local, leur colère a eu raison du site minier de Tambao aujourd’hui à l’arrêt. Le Directeur général (DG) de l’entreprise incriminée, Souleymane Mihin, bat en brèche cette version. « C’est plutôt la suspension du permis par le gouvernement de la Transition qui a entraîné l’arrêt de nos activités. Nous devons renégocier certains termes du contrat », souligne-t-il. Cette explication ne convainc guère les habitants de Tambao qui ont des besoins sociaux pressants. « Tambao ne dispose pas d’école, ni de Centre de santé et de promotion sociale (CSPS). Le CSPS de Markoye, le plus proche, est à 17 kilomètres et pour y transporter un malade, il faut s’attacher les services d’un charretier », clame Ibrahim Ag Banoua, habitant de la localité. En plus des infrastructures socio-éducatives, les populations exigent le bitumage de la route Dori-Gorom-Gorom-Tambao, longue de 114 kilomètres, la réhabilitation du chemin de fer et son prolongement de Kaya à Tambao. Elles reprochent aussi à la société « Pan African », le faible taux de recrutement des jeunes de la région. Les responsables de la société crient au faux procès. « Nous avions trois ans (2015-2017) comme délai contractuel avec le gouvernement, pour réaliser les infrastructures routières et socio-éducatives. Or, la suspension n’est intervenue qu’après seulement un mois d’activités », s’indigne le DG Mihin. Selon le secrétaire général du comité des forces vives de Markoye, Ousmane Ba, « Pan African » a violé les droits des populations. « L’entreprise a inversé l’ordre des choses, préférant commencer par l’exploitation, avant la délocalisation et le relogement des populations riveraines», martèle-t-il. Du côté de la mine, le patron reconnaît que le code minier recommande la relocalisation des populations avant le démarrage des activités. Toutefois, il s’en défend : «Nous étions en phase d’essai ». A en croire les populations, elles assistaient à des passages réguliers de gros camions, chargés de convoyer le manganèse à Kaya, où il doit transiter pour être ensuite acheminé au Port autonome d’Abidjan (République de Côte d’Ivoire). Mais, depuis la manifestation de février 2015, expliquent des habitants, ces camions sont interdits de circulation et le manganèse concassé reste stocké à ciel ouvert, sur le site, à Tambao. La suspension, qui frappait la société minière, est levée depuis le 18 décembre 2015, mais les forces vives restent intraitables sur leurs revendications. « Pan African ne reprendra pas ses activités tant qu’elle n’aura pas satisfait nos requêtes », déclare le SG du comité des forces vives. Les conflits d’intérêt en lien avec l’exploitation minière au Burkina Faso ne sont pas une situation particulière à cette localité du pays.

La mosquée de la discorde

A Namissiguima, une commune rurale située à une trentaine de kilomètres de Ouahigouya dans la région du Nord, une autre société minière, Endeavour Mining (ndlr : elle a racheté le permis de Truegold), exploitant de la mine d’or de Karma, traverse une éprouvante crise. L’implantation de ladite société divise profondément les acteurs. A l’origine de ce malentendu, la célèbre mosquée de Ramatoulaye, symbole de la confrérie Tidjania au Burkina Faso, située à proximité du site minier. « La mosquée construite en 1921, lieu de pèlerinage proche de la colline Naab-tanga (qui abrite le site), est au centre du litige », explique le vice-président de la délégation spéciale de la commune de Namissiguima, Alassane Ouédraogo. Ce litige avait donné naissance à de violentes manifestations organisées par les populations de la localité, soucieuses de préserver leur lieu de culte. Celles-ci demandaient le départ sans condition de Truegold. Malgré l’impressionnant dispositif de sécurité et les courses-poursuites qui s’en sont suivies, les chaudes journées des 15 et 16 février 2015 se sont soldées par le saccage et l’incendie d’une partie du matériel de l’entreprise. Les dégâts ont été évalués à près de 4 milliards de francs CFA.
Depuis ce temps, et en dépit du dialogue initié par le gouvernement, il règne toujours à Namissiguima, un climat de méfiance. Sur « les lieux saints », en l’absence du Cheick Aboubacar Maïga II, grand imam de Ramatoulaye, aucun de ses disciples ne pipe mot en ce mois de juin 2016. « Le guide a voyagé (Ndlr : à Rabat). Nous ne parlerons pas en son absence », lâche un de ses proches de façon laconique. La preuve, que le sujet est très sensible. Les responsables de la société minière, eux, jouent la carte de l’apaisement. Dans cette logique, le DG de la mine de Karma, Cyriaque Ki, estime que la crise relève du passé. « De fausses informations rapportées à la communauté musulmane ont été à l’origine des évènements », regrette-t-il. Mais, poursuit M. Ki, « un dialogue tripartite entre la société minière, la communauté Tidjania et le gouvernement burkinabè a permis de dénouer la situation, grâce à l’implication du Cheick». Pour Rasmané Barry, membre du Comité de suivi et de liaison (CSL) de la mine, le problème est très complexe à cause de l’influence religieuse dans la localité. « La proximité du site avec les lieux sacrés nécessitait au préalable un dialogue avec les maîtres des lieux. Malheureusement, cela n’a pas été le cas», déplore cet activiste de la société civile. Quant à ce fidèle croyant, qui a requis l’anonymat, il estime que Ramatoulaye est le fondement de la croyance de la Tidjania et la confrérie ne peut que défendre ce symbole historique. «La société tient mordicus à démarrer les travaux sur le site, ne voyant que les gisements d’or. Mais, pour nous, c’est un repère qu’il faut défendre à tout prix», fulmine-t-il. Le samedi 11 juin 2016, Sidwaya constate la présence d’orpailleurs sur le domaine litigieux, en train de s’activer, sous un soleil de plomb, à la recherche de l’or. Les menaces, qui pèsent sur l’édifice religieux, sont reléguées au second plan par ces orpailleurs. «Depuis une trentaine d’années, nous tirons nos revenus de ce site, devenu un vivier économique de la localité », soutient l’un d’eux. Noufou Ouédraogo, autre orpailleur de 25 ans, récemment rapatrié de la Guinée Conakry, partage le même sentiment. D’autres, comme Souleymane Kindo, craignent que leur départ du site ne les mette en situation de précarité. « Grâce à cette activité, j’arrive toujours à payer la scolarité de mes deux enfants. Mais, les choses risquent de se compliquer dès la rentrée prochaine », avoue M. Kindo, dont le champ familial est aussi englouti par la mine. L’activité des orpailleurs est vue d’un très mauvais œil par le directeur de la mine de Karma. «Les réserves sont déjà évaluées et nous ne pouvons pas permettre aux orpailleurs de les prélever et générer des pertes pour l’entreprise », s’insurge M. Ki. Le dédommagement des familles, dont les champs sont engloutis, constitue une autre grosse épine au pied des responsables de la mine d’or. Le montant de 200 000 francs CFA par hectare proposé est jugé insignifiant par les « victimes ». L’entreprise dispose de cinq sites dans la commune de Namissiguima mais seul celui de Barelgo est en exploitation.

La méconnaissance du code minier

Le ministère de l’Energie, des Mines et des Carrières, décrié à tort ou à raison par les populations, se veut clair sur les obligations des entreprises minières. « Toute entreprise minière doit dédommager tous ceux qui sont touchés dans un projet de mine, à commencer par la délocalisation et le relogement des riverains », atteste le directeur des mines du Burkina, Emmanuel Yaméogo. Ce spécialiste du domaine reconnaît, cependant, que la fronde des populations s’explique en partie par la méconnaissance du code minier. « Le code minier n’est pas vulgarisé, si bien que les populations réclament parfois aux sociétés minières ce qu’elles devraient exiger de l’Etat », déplore-t-il. Le vent de contestation continue de souffler sur les sites où les populations tentent de noyer, dans le tintamarre de leurs revendications, les visées économiques des entreprises minières. Cette atmosphère, déplore le président de la Chambre des mines du Burkina (CMB), Dr Elie Justin Ouédraogo, est très préjudiciable au secteur des mines, dans lequel de gros capitaux sont investis. « La stabilité et la paix sociale sont des conditions sine qua non pour le développement du pays et les efforts doivent se poursuivre afin de rassurer les investisseurs, particulièrement ceux du secteur minier », plaide-t-il. Dans son entendement, aucune société minière ne peut prospérer dans un milieu hostile. « Les conflits miniers peuvent faire perdre au Burkina, son statut de pays minier », prévient-il. Le président du Conseil villageois de développement (CVD) de Namissiguima, Moussa Félix Ouédraogo, lui, voit plutôt en ces conflits, une menace pour la cohésion sociale. « Lors des manifestations contre Truegold, des jeunes soupçonnés d’avoir des accointances avec les responsables de la mine ont vu leurs domiciles détruits et contraints par des bandes organisées à quitter temporairement le village », fait-il savoir. Les conflits miniers pourraient donc être dommageables pour le Burkina Faso, qui en tire des revenus substantiels. En 2014, les sociétés minières ont contribué à hauteur de 168, 493 milliards de francs CFA au budget de l’Etat contre 166,596 milliards de francs CFA en 2015, selon l’Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE). Mais qui solde les dégâts en cas de conflits miniers ? Les témoignages font état de ce que les pertes subies par les sociétés minières, du fait des révoltes des populations, sont compensées par un système de prélèvement sur les taxes dévolues à l’Etat burkinabè. Ces pertes sont évaluées à environ 10 milliards de francs CFA en 2015, selon une source du ministère des Mines.

La répression,
le dernier recours

L’Office national de sécurisation des sites miniers (ONASSIM), créé en 2013 par l’Etat burkinabè pour garantir un environnement sécurisé aux acteurs gravitant autour de l’activité minière, a du pain sur la planche dans cet environnement mouvementé. L’aveu d’impuissance de son directeur général, le colonel-major François Etienne Ouédraogo est évocateur : « L’ONASSIM n’est pas doté d’éléments de forces de sécurité prêts à descendre sur les sites, en cas de conflits ou à occuper des positions afin de faire face en cas d’attaques terroristes ». A écouter le colonel, lorsqu’un conflit éclate, l’Office ne fait recours à la répression, qu’après l’échec du dialogue. Une démarche saluée par l’ITIE, qui recommande, par ailleurs, une implication des citoyens dans la gestion des ressources minières. « Les populations ne comprennent pas les enjeux de l’exploitation minière. Elles n’attendent que des changements dans leur vie. Il faut donc communiquer suffisamment sur le sujet », suggère Jonas Hien, membre du comité de pilotage de l’ITIE. Il appelle de tous ses vœux, à une meilleure collaboration entre populations et sociétés minières, en vue d’une exploitation gagnant-gagnant. Convaincu que la bonne entente avec les populations est la meilleure garantie de la sécurité d’une mine, le président de la CMB, Dr Elie Justin Ouédraogo, préconise : « En cas de conflit, il faut créer les conditions pour une résolution définitive en vue d’une paix durable et non des mesures conjoncturelles ».


Beyon Romain NEBIE
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Sidwaya N° 7229 du 8/8/2012

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